A PROPOS DE " SOLAL " ( 1930 ) de ALBERT COHEN
Après l'avoir lu, relu, interrogé, que me reste-t-il de "SOLAL " ? Incertitude. Eblouissement .
ROMAN D'AMOUR ? On ne peut oublier ces grands moments d'exaltation et de vertige, qui annoncent " Belle du Seigneur " : " Reins creusés, toutes veines dardées...Rythme premier et rythme père. Reins que lève l'Eternel, reins
que baisse l'Eternel, coups profonds de l'Eternel...La femme tombait de ciel en grand ciel noir, larges ailes battantes..." Ou encore ce cri de joie : " Aude, je voudrais avoir toutes les voix du vent pour dire à toutes les forêts: j'aime et j'aime celle que j'aime!"...
Mais plus certainement, PROCES DE L'AMOUR...Démystification de la conception occidentale de l'eros. Remise en question du lyrisme trompeur de nos romans et de nos romances..."Elle était la seule, elle était ce qu'il avait connu de plus doux, de plus vivant et de plus noble. Et caetera, la vieille ferblanterie inusable."...Cruel et terrible ET CAETERA...qui nous ramène à la réalité...
Pauvre amour, à la fois grand et misérable..."Jusqu'à l'aurore et à la sempiternelle alouette, ce fut au long des siècles l'éternel et le pauvre, l'inintelligent, le terrible duo par la grâce duquel la terre est fécondée ".
***
ROMAN JUIF ? Certainement. Cohen ne définit-il pas son œuvre comme " Un arbre de Judée dans la forêt française " ? Quelques grands thèmes importants du roman :
-- "Le malheur d'être juif " : Pogrom vécu par Solal, dans son île, à l'âge de dix ans .Antisémitisme rencontré en France.
--La loi du Père, loi du Rabbin Gamaliel, loi de Moise (?) : loi puritaine et sévère que Solal entend le jour de sa bar-mitsvah :"...Méprise la femme et ce qu'ils appellent beauté. Ce sont deux crochets du serpent....Nous sommes le monstre d'humanité; car nous avons déclaré combat à la nature ". Et l'on comprend dès lors la déchirure de Solal, à la fois fasciné et horrifié par la passion charnelle ; puis appelé par un autre amour, " la tendresse de pitié ", qu'il découvrira en fin de parcours.
--Le thème de l'élection : Solal "porte le signe" .. Il es peut-être l'Elu, l'Attendu.".. Serait-ce lui ?" se demande le vieux Roboam.
"Solal, nom de Soleil et de Solitude "...Est-il éclairé par la lumière divine ? Sa solitude est-elle celle du prophète ?....
Que d'interrogations ! Que d'hésitations ! Que de chemins empruntés puis abandonnés !.....
***
Ce roman, finalement, est peut-être avant tout le ROMAN DE L'EXIL ET DE L'ERRANCE. Roman du Juif Errant, fuyant son malheur et cherchant une vérité, un Paradis perdu, ou une Terre Promise.
Ils sont tous des errants, les Juifs de " Solal "...
--IL y a le vieux Roboam Solal, qui apparaît fugitivement, marchant sur la route, "poussant sa foi et son bazar roulant " ...I
--Il y a les Valeureux, et particulièrement le petit oncle Saltiel; toujours en vadrouille, parcourant le monde avec sa valise bardée d'étiquettes de tous pays..Mais c'est grâce aux mots, qu'il trouve la vérité (éloge de la palabre, cette errance verbale...) .La vérité, "c'est ce qu'il y a entre les mots, et qu'on éprouve dans la joie ".....
--Il ya Solal, fou d'absolu, sorte d'illuminé, qui voudrait concilier son judaïsme et son amour pour la belle Aude ( la France ! ); qui essaie de faire revivre l'antique peuple juif dans les caves du château de Saint-Germain...
***
Qui est Solal, en définitive ? se demande un lecteur .Un fantasme de Cohen ? UN MYTHE ?.....plusieurs mythes ...
--Il est Apollon au début du roman, beau et lumineux , sous le ciel lumineux de son île grecque
--il devient ensuite Dionysos, étrange Dionysos, domptant froidement la bête fauve.
--Il est Don Juan, le Séducteur et le Révolté.
--Il se transforme, à l'avant-dernier chapitre, en un Jésus-Christ fou et dérisoire, errant dans Paris, blessé et humilié, se proclamant " le roi des Juifs, le prince de l'exil "
Le dernier chapitre, éblouissant, dit la mort puis la renaissance de Solal. Misérable et dépenaillé, il pénètre dans la demeure d'Aude .Chacun de ses gestes est symbolique : il enlève ses vieux vêtements, baigne son corps, rase son visage, revêt la blouse de lin blanc de sa jeunesse. Il a " dépouillé. le vieil homme " .Venu pour tuer Aude, il retourne le poignard contre lui. Il meurt et reprend vie. Désormais c'est un "homme nouveau " qui va vers une nouvelle vie...--Mythe du Phénix renaissant de ses cendres ?
--Mythe du Christ ressuscitant ?
--Mythe du Juif sans cesse abattu et toujours se relevant ?
Ne s'agit-il pas de l'Homme, tout simplement?
***
Roman ambitieux d'un jeune écrivain génial qui voudrait pouvoir TOUT dire...Roman fou, bizarre, excessif. Roman baroque .
J'aime rencontrer, dans ce tourbillon vertigineux, quelques instants de pure grâce : le bonjour de Saltiel à son neveu, au petit matin, ce " cher instant naïf "..
.Le baiser à Adrienne ...( Seize ans, oui, mais il était plus grand qu'elle..)." Ils restèrent enlacés une minute qui dure encore " ...
M.S.
Après l'avoir lu, relu, interrogé, que me reste-t-il de "SOLAL " ? Incertitude. Eblouissement .
ROMAN D'AMOUR ? On ne peut oublier ces grands moments d'exaltation et de vertige, qui annoncent " Belle du Seigneur " : " Reins creusés, toutes veines dardées...Rythme premier et rythme père. Reins que lève l'Eternel, reins
que baisse l'Eternel, coups profonds de l'Eternel...La femme tombait de ciel en grand ciel noir, larges ailes battantes..." Ou encore ce cri de joie : " Aude, je voudrais avoir toutes les voix du vent pour dire à toutes les forêts: j'aime et j'aime celle que j'aime!"...
Mais plus certainement, PROCES DE L'AMOUR...Démystification de la conception occidentale de l'eros. Remise en question du lyrisme trompeur de nos romans et de nos romances..."Elle était la seule, elle était ce qu'il avait connu de plus doux, de plus vivant et de plus noble. Et caetera, la vieille ferblanterie inusable."...Cruel et terrible ET CAETERA...qui nous ramène à la réalité...
Pauvre amour, à la fois grand et misérable..."Jusqu'à l'aurore et à la sempiternelle alouette, ce fut au long des siècles l'éternel et le pauvre, l'inintelligent, le terrible duo par la grâce duquel la terre est fécondée ".
***
ROMAN JUIF ? Certainement. Cohen ne définit-il pas son œuvre comme " Un arbre de Judée dans la forêt française " ? Quelques grands thèmes importants du roman :
-- "Le malheur d'être juif " : Pogrom vécu par Solal, dans son île, à l'âge de dix ans .Antisémitisme rencontré en France.
--La loi du Père, loi du Rabbin Gamaliel, loi de Moise (?) : loi puritaine et sévère que Solal entend le jour de sa bar-mitsvah :"...Méprise la femme et ce qu'ils appellent beauté. Ce sont deux crochets du serpent....Nous sommes le monstre d'humanité; car nous avons déclaré combat à la nature ". Et l'on comprend dès lors la déchirure de Solal, à la fois fasciné et horrifié par la passion charnelle ; puis appelé par un autre amour, " la tendresse de pitié ", qu'il découvrira en fin de parcours.
--Le thème de l'élection : Solal "porte le signe" .. Il es peut-être l'Elu, l'Attendu.".. Serait-ce lui ?" se demande le vieux Roboam.
"Solal, nom de Soleil et de Solitude "...Est-il éclairé par la lumière divine ? Sa solitude est-elle celle du prophète ?....
Que d'interrogations ! Que d'hésitations ! Que de chemins empruntés puis abandonnés !.....
***
Ce roman, finalement, est peut-être avant tout le ROMAN DE L'EXIL ET DE L'ERRANCE. Roman du Juif Errant, fuyant son malheur et cherchant une vérité, un Paradis perdu, ou une Terre Promise.
Ils sont tous des errants, les Juifs de " Solal "...
--IL y a le vieux Roboam Solal, qui apparaît fugitivement, marchant sur la route, "poussant sa foi et son bazar roulant " ...I
--Il y a les Valeureux, et particulièrement le petit oncle Saltiel; toujours en vadrouille, parcourant le monde avec sa valise bardée d'étiquettes de tous pays..Mais c'est grâce aux mots, qu'il trouve la vérité (éloge de la palabre, cette errance verbale...) .La vérité, "c'est ce qu'il y a entre les mots, et qu'on éprouve dans la joie ".....
--Il ya Solal, fou d'absolu, sorte d'illuminé, qui voudrait concilier son judaïsme et son amour pour la belle Aude ( la France ! ); qui essaie de faire revivre l'antique peuple juif dans les caves du château de Saint-Germain...
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Qui est Solal, en définitive ? se demande un lecteur .Un fantasme de Cohen ? UN MYTHE ?.....plusieurs mythes ...
--Il est Apollon au début du roman, beau et lumineux , sous le ciel lumineux de son île grecque
--il devient ensuite Dionysos, étrange Dionysos, domptant froidement la bête fauve.
--Il est Don Juan, le Séducteur et le Révolté.
--Il se transforme, à l'avant-dernier chapitre, en un Jésus-Christ fou et dérisoire, errant dans Paris, blessé et humilié, se proclamant " le roi des Juifs, le prince de l'exil "
Le dernier chapitre, éblouissant, dit la mort puis la renaissance de Solal. Misérable et dépenaillé, il pénètre dans la demeure d'Aude .Chacun de ses gestes est symbolique : il enlève ses vieux vêtements, baigne son corps, rase son visage, revêt la blouse de lin blanc de sa jeunesse. Il a " dépouillé. le vieil homme " .Venu pour tuer Aude, il retourne le poignard contre lui. Il meurt et reprend vie. Désormais c'est un "homme nouveau " qui va vers une nouvelle vie...--Mythe du Phénix renaissant de ses cendres ?
--Mythe du Christ ressuscitant ?
--Mythe du Juif sans cesse abattu et toujours se relevant ?
Ne s'agit-il pas de l'Homme, tout simplement?
***
Roman ambitieux d'un jeune écrivain génial qui voudrait pouvoir TOUT dire...Roman fou, bizarre, excessif. Roman baroque .
J'aime rencontrer, dans ce tourbillon vertigineux, quelques instants de pure grâce : le bonjour de Saltiel à son neveu, au petit matin, ce " cher instant naïf "..
.Le baiser à Adrienne ...( Seize ans, oui, mais il était plus grand qu'elle..)." Ils restèrent enlacés une minute qui dure encore " ...
M.S.
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