LES PRINCIPAUX PERSONNAGES et LEURS HISTOIRES

Méréana ( dite Méré ) : personnage central qui nous raconte l’histoire à la
2ème personne du singulier , comme si elle se parlait à elle-même.
Elle a 2 enfants de son ex-mari TITO (devenu député) et a pris en charge sa
Nièce LYRA , fille de sa sœur TAMARA décédée du SIDA.
La Tante TURIA ( appelée  Tantine ) . Elle s’occupe des enfants pendant que
Méré va travailler . Elle a pu garder ses biens , à la mort de son mari , grâce aux «  Esprits « .
YA MOUKIETOU : Elle a son franc-parlé . On la surnomme «  l’assommeuse «,
Capable de mettre un homme à terre à coup de poing , pendant la bagarre .
MA BILEKO : vieille femme d’affaires dans une entreprise de tissus en export/
Import. Son mari avait une leucémie . A sa mort , elle s’est fait déposséder de
tous ses biens par sa belle-famille . Sa fille ZIZINA deviendra conseillère de
L’O.N.U. dans les forces de paix .
BATATOU : de son vrai nom VUTELA / Elle a été violée pendant la guerre civile . Elle aura des triplés , dont 2 survivront. Elle sera blessée par balle pendant l’affrontement . Elle va décéder quelques jours plus tard . On devra alors rechercher sa famille par la diffusion d’une photo car personne dans le groupe ne savait rien d’elle .
BILALA , la timide . Elle ne parle que le Kikongo national ! Et pourtant , elle sera choisie pour s’exprimer au nom du groupe devant les journalistes et les T.V. internationales.
LAURENTINE PAKA : c’est elle qui fera les photos qui donnent le titre du livre.
A.M. OSSOLO : elle est la sœur d’ ARMANDO ( taxi) , amoureux de Méré . A.M. était le «  2ème bureau «  d’un homme important et quittée par celui-ci , elle n’aura d’autre choix que de casser les pierres pour vivre !




Science Fiction

                                                   SCIENCE FICTION

                                               Séance du 17 Février 2013


Avant de vous présenter « Demain les Chiens » de Clifford D. Simak et d’en discuter avec vous, je vous propose un rapide aperçu de ce qu’on appelle la « Science Fiction »
Science-Fiction est le vocable généralement admis pour désigner un genre littéraire qui essaie de se projeter et de nous projeter, les lecteurs, dans l’espace et dans le temps, bien en dehors de nos références familières; le contenu scientifique n’est pas nécessairement exact mais imaginé plausible pour justifier et soutenir le récit et permettre à l’imagination de l’auteur de s’exprimer ; en fait dans le mot composé Science-Fiction la partie Fiction s’applique et s’impose à la partie Science ; sans cette convention, par exemple, presque tous les récits de voyages interstellaires, qui se déroulent souvent, n’en déplaise à Einstein, à des vitesses supra-luminiques ne seraient pas acceptables, et ce serait bien dommage. Ceci dit il y a parfois une part non négligeable de véritables données scientifiques selon les aptitudes de l’auteur et le sujet traité
Avant même que le mot existe il y a eu des précurseurs, que vous connaissez, Swift, Cyrano de Bergerac, Voltaire qui ont utilisé le dépaysement pour exprimer à moindre risque des opinions que la société figée où ils vivaient aurait mal accepté ; ce faisant ils réalisaient un grand pas conceptuel en éveillant les esprits à la différence et au changement.
C’est à partir du 19ème siècle avec Mary Shelley dès 1816,  «  Frankenstein ou le Prométhée moderne », Jules Verne et surtout HG Wells entre 1895 et 1900 (« la machine à explorer le temps », « l’ile du Dr Moreau » et « la guerre des mondes »), qu’on peut commencer à parler de science-fiction ; ce sont des textes, nourris par les bouleversements dans cette période de fractures avec les anciens régimes (fractures politique, économique, technologique), où l’on ressent déjà (c‘est même écrit par Mary Shelley) le retour en force de la tentation prométhéenne que poursuivra tout le 20ème siècle et où nous baignons encore et qui sur le plan littéraire verra entre autres l’essor de la Science-fiction en tant que genre distinct. Malgré les guerres, les crises, les menaces nous avons vécu ainsi, et les auteurs de science-fiction ont accompagné et à leur façon glorifié cette tension vers plus, mieux, plus vite, plus loin.
Et cela explique aussi que le genre se soit développé d’abord aux Etats-Unis, (entrés dans la révolution industrielle en même temps que l’Europe mais ayant déjà pris une avance substantielle) et ce à partir des années 1930.
Pour comprendre la rapidité de cet essor il faut aussi s’intéresser au support même des récits de SF qui était alors les pulp-magazines (comme dans « Pulp-fiction » de Tarantino qui rend par ce titre hommage à ce genre de publications) qui délivraient de la littérature d’évasion bon marché, récits policiers, westerns et à partir du milieu des années ‘20 récits de SF.
Or qui dit magazines ne dit pas « Romans », mais « Nouvelles », et la Nouvelle est un genre exigeant car il faut faire court et intéressant, il faut une idée maitresse, un développement court et pertinent et une chute ; il n’ y a pas de temps perdu dans une nouvelle, et cela s’accorde bien avec le caractère américain (time is money) ; pour un éditeur de magazine mensuel il faut donc trouver une centaine de bonnes ou acceptables nouvelles par an pour survivre ; c’est ce qui a plu aux lecteurs américains car, par rapport aux récits policiers et de western, les contextes et les situations de SF pouvaient être bien plus variés : robots, aventures galactiques, paysages différents, mutants et extraterrestres, il y avait peu de limites à l’imagination car l’invraisemblable devenait vraisemblable (vitesses supra-luminiques, télépathie, lois de la gravitation abolies etc…).
Très vite les lecteurs sont devenus plus exigeants les bons éditeurs ont dû et ont su découvrir de bons auteurs et de nouveaux talents, souvent des hommes jeunes, imaginatifs, souvent aussi dotés d’un bon bagage scientifique, lecteurs de SF eux-mêmes comme Asimov et Simak et qui savaient donner de la crédibilité à leurs histoires.
Dans ce foisonnement des années ’30 un magazine qui s’appelait alors « Astounding Stories » et maintenant « Analog », car il existe encore après 80 ans sans interruption, et son Editeur John W. Campbell jr sont sortis du lot et ont contribué à faire naitre ce que l’on a appelé l’Age d’or de la SF; Campbell est reconnu comme la force motrice de cette évolution, il a porté « Astounding » en tête des magazines et a imposé l’idée qu’une histoire pouvait être extraordinaire mais devait être bien écrite et cohérente pour trouver sa crédibilité en elle-même.
Il a sélectionné ses auteurs, les a conseillés, critiqués constructivement, parfois orientés (Asimov a dit que c’est Campbell qui l’a mis sur la voie des fameuses trois lois de la robotique) tout en leur laissant leur liberté de style et de création. Il rassemblé au fil des ans une véritable écurie dont sont sortis beaucoup des grands noms de la SF de l’âge d’or : Asimov, Heinlein, Simak, Sturgeon, Poul Anderson etc…Remarquablement presque tous le moment venu (au début des années 1950) sont passé avec succès de la Nouvelle au Roman (tout en continuant à écrire des nouvelles) quand les Editeurs « classiques » càd de livres ont pris conscience du succès des récits de SF et ont commencé à publier plus de romans de SF, à créer des collections distinctes aussi bien en reliés qu’en Poche (beaucoup plus vite qu’en France d’ailleurs).
Et donc si la Nouvelle a tiré le récit de SF vers le haut le Roman lui a donné ses lettres de noblesse, une audience élargie, non seulement aux Etats-Unis mais par l’internationalisation de sa diffusion, que les éditeurs de livres pratiquaient déjà, mais pas les magazines ; il aussi assuré la pérennité de beaucoup de récits parce que contrairement aux livres les magazines sont une denrée périssable et souvent ne survivent (et donc leur contenu) que chez les collectionneurs.
Donc pendant ce temps et après que s’est-il passé en France en matière de Science-Fiction ?
A ma connaissance il n’y a pas eu de magazine du genre SF en France avant les années 1950.
En ce qui concerne les romans peu de choses à part la continuation de la publication des ouvrages de Jules Verne et les traductions de HG Wells et la parution de quelques ouvrages vers la fin du 19ème et le début du 20ème dont le seul qui ait laissé des traces est « La fin de la Terre » de JH Rosny ainé et peut-être sa « Guerre du feu », qui est plus une spéculation qu’un roman historique. Notons cependant « Ravages » de Barjavel en 1943 et son  Voyageur imprudent qui est une histoire de voyage dans le temps et la traduction du « Meilleur des mondes » de Huxley parait chez Plon en 1948 et celle de « 1984 » d’Orwell chez Gallimard en 1950.
Toutefois l’édition systématique de romans de SF en France commence vers 1950 presqu’en même temps qu’aux USA avec la collection « Anticipation » au Fleuve Noir, suivie de près par le « Rayon Fantastique », au début une coopération Hachette-Gallimard, puis Gallimard seul, suivie chez Denoël par « Présence du futur » et vers 1962 la collection « Ailleurs et demain » chez Laffont et qui existe encore.
Toutes ces collections ont publiés d’excellents ouvrages et entre elles pratiquement tous les classiques de SF, « Présence du futur » ayant eu le catalogue le plus fourni.
Une collection mérite une mention spéciale (parce que je l’aime bien et qu’elle a procuré mes premières lectures de SF):
« Anticipation » parce qu’elle a été la première, qu’elle a duré très longtemps (jusqu’en 1997)et que presque tous les auteurs étaient français (parmi eux Stefan Wul, F Richard Bessière, Jimmy Guieu à l’époque journaliste au Provençal et qui a écrit plus de 30 titres , Jean-Gaston Vandel, 2 belges en fait); il n’y a eu qu’un ou deux auteurs deux américains dont … L. Ron Hubbard qui a été le créateur de … l’Eglise de Scientologie (comme quoi la SF peut mener à tout). Les 150 premiers n°s de la collection sont en général de bons ou très bons livres, notamment ceux de Stefan WUL, dont quelques titres sont repris et toujours disponibles chez Folio SF. Après cela ce sont surtout des séries de romans, notamment la série « Perry Rhodan », allemande, le champion toutes catégories avec plus de 3700 titres publiés en Allemagne.
En France la diffusion de magazines de SF n’a pas eu, même toutes proportions gardées, la même ampleur qu’aux Etats-unis ; le premier a été Galaxie (avec ie) de 1953 à1959, interrompue puis reprise avec un autre éditeur, les éditions OPTA de 1964 à 1977 ; c’était une bonne revue mais qui ne publiait pratiquement que les auteurs de la revue Galaxy, une des 3  grandes US à partir de sa création en 1950 ; notons cependant que la chronique OVNI était tenue par Jimmy Guieu.
Mais les éditions OPTA ont aussi été importantes pour la SF en France et française en publiant dès 1953 la revue « Fiction », qui bien que liée à un magazine américain (« The magazine of Fantasy and Science-fiction) a fait une part plus importante que Galaxy aux auteurs français comme Gérard Klein, Curval, Andrevon, Carsac, et faisait une place assez importantes à la Fantasy ou Heroic Fantasy cousine de la SF puis a élargi la publication à d’autres auteurs que ceux de MFSF. La revue a vécu près de 40 ans et a publié plus de 400 n°s. En 1966 les éditions OPTA ont créé le Club du Livre d’Anticipation et une collection de poche à la vie assez courte appelée Galaxie-bis qui a publié ou republié des romans de SF importants.
Après un départ un peu plus tardif qu’aux USA on peut penser qu’en termes de publications comme d’auteurs la France tient une place honorable dans le monde de la SF ; mais on ne peut clore ce sujet sans mentionner une entreprise remarquable qui a été la publication au « Livre de poche » sous la direction de G. Klein, D. Ioakimidis et J. Goimard de la « grande Anthologie de la Science-Fiction » qui sur plus de 20 ans a publié en une quarantaine de volumes classés par thème plus de 600 nouvelles parmi les meilleures jamais écrites. La plupart de ces ouvrages sont maintenant épuisés mais peuvent se trouver d’occasion, ou peut-être dans les bibliothèques si elles ne sont pas trop récentes (les bibliothèques je veux dire).
Et cela me procure la transition pour vous parler rapidement des grands thèmes de la SF, mais rassurez-vous il n’y en aura pas 40. Nous mettrions prochainement sur le site de Direlire une liste d’ouvrages encore disponibles neufs avec un petit résumé de l’histoire.
** Et tout d’abord le Space-Opera, càd les récits d’aventures et voyages interplanétaires et interstellaires; ça a été le premier des grands thèmes de SF et toujours le plus important ; ce sont souvent des aventures guerrières ou de conquêtes, l’humanité pouvant être l’agresseur ou l’agressé, ou une victime collatérale. Principaux auteurs R. Heinlein, A.E. Van Vogt, Poul Anderson, J. Williamson, Stefan Wul
** Les catastrophes planétaires : la civilisation (la nôtre en général) a été anéantie par un évènement cosmique, une guerre nucléaire, une attaque d’extraterrestres une catastrophe climatique et les survivants font ce qu’ils peuvent : Robert Merle, Philip K. Dick, JG Ballard
** Voyages dans le temps : c’est très dangereux de voyager dans le temps à cause des paradoxes et cela peut donner aussi lieu à des situations très amusantes ; quelques auteurs : Poul Anderson (cycle de Patrouille du temps), Gregory Benford, Robert Silverberg.
**La Politique Fiction : Malgré le positivisme ambiant du genre, certains auteurs et non des moindres ont anticipé les dérives possibles que pouvait favoriser une progression incontrôlée de la technologie au service de régimes tyranniques ; Aldous Huxley, George Orwell, et avant eux, dès 1920 avec « Nous autres » leur précurseur méconnu Eugène Zamiatine (révélation pour laquelle je remercie Paulette Queyroy) ont imaginé les visions les plus pessimistes sur l’avenir de notre société, en général dans un avenir proche (au moment de l’écriture, et donc vérifiable) sans oublier Norman Spinrad, le plus iconoclaste des auteurs américains de SF.
**Les mondes, sociétés et créatures étranges : le terme se suffit à lui-même et parmi les auteurs qui ont le mieux exploré et décrits ces mondes Franck Herbert avec « Dune », Ursula K. Le Guinn, Jack Vance .**Les histoires de Robots et de cyborgs (les cyborgs sont des être mi-humains mi-robots, en général très hostiles aux hommes à l’inverse des robots) ; le grand maître du genre reste Isaac Asimov.
** Les auteurs plus difficiles à classer parce qu’ils ont touché à beaucoup de genres comme Philip K. Dick, Philip José Farmer (le Cycle du Fleuve), Norman Spinrad.
j’ai fait une grande place dans cette présentation à « l’âge d’or » de la science-fiction, ce qui pourrait donner à penser que c’est une époque révolue  et je crois que c’est un peu vrai. Cependant dans toute littérature, seule une petite partie de la production résiste à l’épreuve du temps, c’est donc vrai aussi de la SF ; aussi d’autres médias, un peu la Bande dessinée, mais surtout le cinéma, avec toutes ses possibilités graphiques actuelles, traduisent plus facilement qu’avant l’étrangeté des êtres et situations que veut décrire la SF. Mais des romans, nouvelles et magazines de SF continuent d’être publiés, des auteurs de l’imaginaire et du merveilleux à se révéler, parfois dans un mélange des genres un peu surprenant : anticipation-SF-heroic fantasy-thriller.



                      « FONDATION », Isaac ASIMOV, Folio SF
Genre : Space-Opéra et Politique-Fiction
‘’Fondation’’ est le premier ouvrage d’une trilogie qui décrit à partir de l’an 12067 le début de l’effondrement du grand Empire Galactique qui règne sur les 25 millions de planètes habitées de la Voie Lactée, notre galaxie.
Cet effondrement est prévu par un scientifique, Hari Seldon, qui a mis au point la Psychohistoire, une méthode mathématique utilisant la psychologie des masses et l’analyse statistique pour prédire le futur de cette société à la fois simple (une société hypercentralisée) et complexe (éloignement, poids du nombre, différences de styles et niveaux de vie) dont les premiers craquements deviennent perceptibles.
L’effondrement de l’Empire entrainera une période d’anarchie et de malheurs de 30000 ans ; pour y pallier Seldon provoque la création d’une Fondation dont le but apparent est de produire une grande Encyclopédie sauvegardant les acquis scientifiques et techniques, permettant ainsi de réduire à un millier d’années l’interrègne calamiteux qu’il prévoit ; mais son vrai but, caché, est plus ambitieux et le roman, qui s’étend sur 200 ans environ montre comment les dirigeants successifs de la Fondation, pris dans un « sens de l’histoire » marxien résolvent les différentes crises qui se présentent périodiquement à eux dans une évolution très dialectique.
Bien sûr Isaac Asimov, immigré russe naturalisé américain, n’emploie pas les termes ‘’sens de l’histoire’’ et ‘’dialectique’’, mais enfin…
Remarquons que comme « Demain les chiens » les épisodes distincts de « Fondation » ont été préalablement publiés comme nouvelles dans la revue ASTOUNDING dans les années ’40.  « Fondation » a obtenu en 1966 un prix ‘’Hugo’’, jusqu’à présent unique, comme meilleur roman de SF de tous les temps.
NB : Dans le 2ème roman de la série, « Fondation et Empire » la Fondation se trouve confrontée à une crise individuelle et non statistique, et dans le 3ème« Seconde Fondation » un affrontement se profile entre les deux Fondations crées par Seldon (l’existence de Seconde Fondation et sa localisation avait été tenue largement secrète) ; la cohérence des théories de Seldon s’affaiblit nettement mais les deux romans, toujours pleins de rebondissements, restent agréables à lire.







                             « DEMAIN LES CHIENS »
« Demain les chiens », est l’ouvrage qui va faire l’objet de nos discussions. Je l’ai proposé parce que je pense que c’est un très bon récit et qu’il est représentatif d’un ouvrage de SF tout en étant original par sa genèse, sa structure et son style.
Tout d’abord une courte biographie de son auteur Clifford D. Simak, qui est né dans une ferme du Wisconsin d’un père immigré tchèque en 1904, au cœur du Midwest ; après de solides études secondaires il commence une carrière dans le journalisme, qu’il ne quittera plus, d’abord dans des feuilles locales et régionales, puis il rejoint en 1939 le Minneapolis Star, dont il deviendra Directeur de l’information puis en 1962 Directeur Scientifique pour le groupe de presse propriétaire du « Star ».
Grand lecteur il s’intéresse aux romans de Jules Verne, de HG Wells, Edgar Rice Burroughs (les mines du roi Salomon) et lit les magazines de SF qui commencent à paraitre vers la fin des années ’20 ; comme de nombreux lecteurs du genre (par exemple Isaac Asimov) il décide de s’essayer à l’écriture et après un modeste départ ses participations deviendront régulières notamment « Astounding Stories » à partir de 1938 quand Campbell en prend les rênes et jusque vers 1948, ensuite dans Amazing Stories et Galaxy et il continuera d’écrire jusqu’en 1988, année de sa mort. Au cours de sa carrière littéraire il a publié des dizaines de nouvelles, de romans et d’essais, tous de bonne facture, mais son œuvre maitresse reste « Demain les Chiens ».
Ce récit est représentatif de la SF à au moins 3 titres : il se situe en plein dans l’âge d’or de la SF américaine, il met en scène la plupart des grands thèmes de la SF (évolution des sociétés, robots, mutants, animaux qui acquièrent l’intelligence, voyages dans l’espace, télépathie, univers parallèles, vie suspendue…), il est publié comme un roman à la charnière entre la prédominance de la nouvelle et l’arrivée en force du roman dans la SF.
Il est original par la durée qu’embrasse le récit : l’extinction de la civilisation sur notre terre depuis le maintenant de « City », très proche du maintenant de Simak quand il écrit, jusqu’à la disparition de la vie animale intelligente (sauf les fourmis bien sûr) il se passe plus de 10 000 ans ; ce n’est pas une apocalypse, c’est une agonie.
Il est original par sa genèse et sa structure ; c’est entre 1944 et 1948, presque toutes dans « Astounding » que sont publiées une série de 8 nouvelles qui forment un corpus d’une vision du futur de l’espèce humaine et dont le succès est allé croissant auprès des lecteurs comme le montre l’évolution de leur classement sur ces 4 ans ; c’était bien de Campbell de faire classer ses auteurs à chaque n°. Si les choses en étaient restées là, compte tenu de ce que je disais tout à l’heure ces récits auraient probablement été perdus, sauf pour les collectionneurs.
C’est en 1950 qu’un éditeur de romans de SF (Gnome Press) dirigée par un ancien éditeur de magazines SF, Martin Greenberg propose à Simak de faire un roman à partir de ces nouvelles ; pour justifier l’appellation de roman il va écrire des textes de liaison entre les chapitres ; bien qu’opportunistes ces textes ont leur valeur en soi, pas parce qu’ils introduisent le sujet du récit suivant mais parce qu’ils renforcent en creux, auprès des lecteurs chiens, l’idée plusieurs fois répétée qu’ils ne doivent pas chercher plus loin, l’homme n’est même pas un mythe, c’est une invention.
Le roman est donc publié aux USA en 1952, à la fois en relié (hard-cover) et format de poche et remarquablement vite il est publié en France en 1953, par le Club français du livre, dans une très bonne traduction de Jean Rosenthal ; Aux USA comme en France le succès se poursuit toujours après 60 ans puisqu’il est toujours réimprimé et disponible neuf.
Son style clair et direct sans être abrupt est typique de Simak, les sentiments sont présents mais sans mièvrerie et il convie bien l’idée qu’il s’agit de contes, çad de récits parlés et participe donc à l’histoire : « voici les récits que racontent les chiens quand le feu brûle clair dans l’âtre et que le vent souffle du nord » ; le décor est dressé par l’éditeur canin mais il est conscient du danger (social) que recèlent les contes pour ses lecteurs et il les met en garde : « …ne prenez pas ces récits trop à cœur, car le désarroi sinon la folie guette ici le chercheur trop anxieux de savoir », autrement dit Tige est déjà un peu timbré, lui qui prétend que l’homme est une créature réelle.
Pourtant simple ne veut pas dire simpliste, et les descriptions peuvent être émouvantes, par exemples les affres morales et physiques de Jérôme Webster quand il subit sa crise d’agoraphobie et ses remords quand il ne peut se résoudre pour partir sur Mars soigner son ami Juwain.
Autre originalité en partie due à sa genèse comme nouvelles c’est que chaque chapitre contient une idée force, qui en fait la valeur, et que ses conséquences se font sentir dans la suivante et ainsi de suite et cela contribue à crédibiliser et rendre cohérente toute l’histoire de façon dynamique (c’est la méthode campbellienne à l’œuvre).
Et donc à partir du 1er chapitre, « City », les évènements s’enchainent de façon logique, voire inéluctable : les conditions économiques (transport facile, peu coûteux) et politiques (paix mondiale) ont entrainé la dissémination de la population et la révolte contre une autorité municipale (il n’y a déjà plus d’Etats mais un Comité mondial lointain) dont les décisions n’ont plus de légitimité aboutit à la fin des grandes villes organisées. La ville en tant qu’institution disparait. La dispersion de la population s’accroit.
Les conséquences de cet éclatement social se font sentir dès le chapitre suivant ; la plupart des gens vivent dans un grand confort matériel, ont peu de contacts physiques avec les uns avec les autres puisque qu’ils peuvent communiquer facilement (c’est SKYPE avant l’heure), même de planète à planète et les robots veillent à leur bien-être. La crise d’agoraphobie de Jérôme Webster a des conséquences dramatiques, mais manifestement il n’est pas un cas isolé, personne ou presque ne vient le voir, même rendez-vous pris. L’autorité collective est impuissante, même dans un cas aussi grave et face à un seul individu, à résoudre une situation; dans d’autres temps on l’aurait réquisitionné et embarqué de force pour Mars. Juwain meurt et l’humanité devient orpheline de sa philosophie. Notons le rôle néfaste du robot Jenkins, dans la programmation de qui manque peut-être une quatrième loi de la robotique.
Quand les chiens qui parlent et les mutants entrent en scène dans le 3 ème récit on comprend que les hommes vont devoir faire faire un effort ou s’effacer ; les premiers sont la création d’un Webster pour réparer le mal fait à l’humanité par son ancêtre et surtout lui donner un compagnon de route dans son cheminement de plus en plus solitaire : « songez-y Grant, un esprit différent de lui mais qui travaillerait en coopération avec lui ». Les seconds, les mutants sont supérieurement intelligents et comme c’est souvent le cas en SF hostiles aux hommes « normaux ». Joe le mutant, qui reproche au Comité mondial d’espionner et harceler les mutants prépare 2 bombes à retardement, la philosophie de Juwain (dont il vole une esquisse incomplète) et le développement des fourmis, animal social qui pourra devenir un rival pour l’homme. Grant mesure le danger que représentent les mutants et demande aux chiens de rester les alliés de l’homme.
Toutefois malgré l’affaiblissement du lien social l’humanité a encore des projets collectifs, et l’implantation sur Jupiter pour exploiter ses ressources minières doit utiliser des hommes transformés en Dromeurs grâce aux techniques développées par les biologistes ; les hommes sont envoyés les uns après les autres et ne reviennent pas et Fowler le chef de projet décide d’aller voir lui-même avec son chien et hors du dôme protecteur découvre au lieu de l’enfer d’ammoniaque, de hurricanes et de glace attendus le Paradis (c’est la 4èmeidée force). Towser et lui, comme les autres avant eux ne reviennent pas.
Mais c’est reculer pour mieux sauter, Fowler revient non par sens du devoir mais pour répandre la nouvelle. Tyler Webster, président du Comité pressent le danger d’une émigration générale sur Jupiter et lui demande sans succès de se taire ; c’est alors que la malveillance de Joe le mutant se manifeste à nouveau en propageant brutalement (au pire moment pour l’espèce humaine et par une méthode subliminale imprarable) la philosophie de Juwain qui permet de comprendre vraiment la sincérité du point de vue de son interlocuteur, une empathie poussée à l’extrême, et donc de ne pas s’y opposer. Tyler Webster, qui voulait tuer Fowler ne peut s’y résoudre.
Depuis des siècles il n’y a plus personne dans la maison Webster, plus d’humains, rien que les chiens qui, sous la tutelle de Jenkins et avec l’aide de robots domestiques ont développé leur intelligence et une civilisation de la non-violence qu’ils essaient d’étendre aux animaux sauvages, tout en pratiquant l’écoute du silence. Pendant ce temps la terre est presque complètement vidée d’êtres humains, partis pour Jupiter et ceux qui restent se livrent à des hobby sans utilité réelle et peu à peu choisissent de s’endormir en rêvant ; le dernier humain à peu près lucide, Jon Webster, retourne à la maison familiale où Jenkins lui explique où en sont arrivés les chiens et tous deux conviennent que les chiens doivent être en mesure de poursuivre leur destin sans le fardeau de leur origine, et rester dans l’ignorance qu’ils doivent leur développement aux hommes. De retour à Genève Jon Webster enclenche le mécanisme qui isolera complètent la ville du reste de la planète et s’en va dormir pour l’éternité.
Le 7ème conte voit la paisible civilisation des chiens confrontée à deux menaces : une exogène et l’autre endogène ; la menace exogène, que soupçonnent les chiens et qui explique leur écoute du silence est celle des horlas habitant un monde parallèle et qui se nourrissent d’énergie vitale ; l’un d’eux a réussi passer sur la terre et cherche une proie ; simultanément l’autre menace se matérialise ; un des websters (ou un de leurs descendants) qui ont échappé par hasard à l’enfermement sous le dôme de Genève joue avec un arc de son invention et tue un moineau ; il est atterré mais son ami loup avale la pièce à conviction puis est tué par le horla ; fou de rage Jonathan arrive à tuer le horla ; Jenkins, qui vient de découvrir que les mutants ont disparu, assiste de loin à la scène comprend que le cycle de la violence va reprendre et que la solution logique consiste puisque les webster sont congénitalement incapables de résister à leurs pulsions violentes, à les amener avec lui sur le monde des horlas, où ils trouveront des adversaires à leur mesure.
Et voilà, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes comme disait Pangloss : plus de mutants, de horlas, de websters. Que peut amener de plus le dernier conte ?
Comme je l’ai dit, il n’a pas été publié chez « Astounding», mais chez un confrère, et peu de temps après sort un roman de Simak qui reprend l’ensemble des 8 nouvelles…Dans la préface les chiens se demandent si ce conte n’a pas été rajouté après coup et Simak se moque un peu de lui-même : « …dans la structure même il est acceptable mais le style n’est pas aussi riche…la construction est trop habile et elle reprend avec trop de bonheur les thèmes déjà traités ».
En fait, les fourmis de Joe deviennent une réelle menace, leur Building ne cesse de s’étendre et empiètent sur les ressources alimentaires des autres animaux déjà limitées par la surpopulation ; heureusement Jenkins qui peut passer d’un monde à l’autre revient du monde horla, et les chiens lui soumettent le problème des fourmis ; la solution que Jon Webster donne à Jenkins venu le tirer de son long sommeil est efficace : il suffit de les empoisonner ; mais bien sûr cela est inacceptable pour les chiens..
Comme vous l’avez compris, ce n’est pas la fin pour les chiens, qui savent déjà envoyer des animaux sur un autre monde ; simplement, eux aussi seront condamnés à l’exil.
Mais pour nous, lecteurs humains quelle est la réponse à la question que pose Simak : pouvons-nous renoncer à la violence ? Si nous y renonçons pouvons-vivre en sécurité ? Le fait de comprendre le point de vue des autres nous aiderait-t-il ? Si nous comprenons, ou croyons comprendre l’autre, lui nous comprendra-t-il ?
                     
                                                Jean Pierre Bartoli