"La joueuse de go" de Shan SA le 8 juin 2009



Christiane Vincent et Danielle Grégoire nous présentent cette œuvre.
Shan Sa, naît à Pékin le 18 Octobre 1972. Le véritable nom de la jeune fille est « Yan Ni », ce qui signifie « Bruissement du vent dans la montagne ».
A 7 ans, elle décide' d'écrire et obtient un premier prix. Elle écrit « Les poèmes de Yan Ni ».
En 1989, les événements de Tian' anmen vont provoquer son départ en Europe. Elle suit des études de philosophie durant 2 ans à Paris, après des études à l'école alsacienne, et devient ensuite la secrétaire du peintre Balthus . Elle s'est constituée deux cultures alors qu'elle était prédestinée à devenir poète chinois, mais les événements politiques brisent sa vie chinoise . Shan Sa , romancière et peintre, a exposé pour la première fois en 2001 à la Galerie Enrico Navarra .
En 1997, elle obtient le Prix Goncourt pour son premier roman « Portes de la Paix Céleste » sur les mouvements de résistance de Tian' anmen . Cette porte borde au Nord la place et l'entrée de la Cité Impériale
En 1930-1931, le dernier empereur de Chine ( cf.le film) règne sans pouvoir sur la Mandchourie occupée par l'armée japonaise et Shan Sa décrit les mouvements politiques des années 30 en reflet des événements de 1989, donc surimpression entre les horreurs décrites et celles du 15 Avril au 4 Juin 1989.
L'héroïne est sauvée par deux jeunes étudiants qui l'emportent par la Porte du Nord et l'initient à une sexualité ardente qui me fait penser, personnellement à « L'amant de la Chine du Nord » de Marguerite Duras.
La jeune fille, à 8 ans a été initiée par son oncle au jeu de Go, sous-tendu qu'il aurait aimé continuer l'initiation de l'adolescente à d'autres jeux, érotiques ceux-là, sans succès.
Devenue experte en jeu de go, « elle bat au go, tous ceux qui la défient », elle devient singulière, étrangère par rapport aux autres alors qu'elle se rend sur la Place où attendent les joueurs qui ont suspendu, un oiseau en cage sur la branche d'un arbre le plus voisin, signal de disponibilité pour ouvrir une partie avec qui le souhaite. Elle va y rencontrer « l'Inconnu », qui est, en fait, un jeune soldat japonais, observateur, espion durant la guerre sino-japonaise.
C'est une fable à double partition, dans laquelle de courts chapitres entremêlent les destins croisés du japonais et de la joueuse de go de 16 ans qui gardent le plus grand silence lors des parties.
Dans une interview de 2001, dans la revue « Lire », Shan Sa signale qu'elle avait eu la prescience de son livre à Venise. Le jeu de Go lui a donné une forme, un cadre qui permet de mettre en jeu ses personnages, donc gestation difficile pour ce roman, dit-elle, avec une inspiration poétique et philosophique. L'héroïne reflète une partie des questionnements de Shan Sa, de ses rêves. Leur combat est la métaphore de ses propres combats ».
Claude S. avait apporté un Jeu de Go et nous en a expliqué les règles qui reposent sur la notion d'encerclement, avec la pose aux intersections et sur les bordures, non dans les cases, de « pierres » (pions blancs ou noirs).
Il y a inversion entre les chapitres impairs (coups noirs), récits de la joueuse et ses pions blancs : points pairs. Et inversement pour l'Inconnu. C'est aussi une figure du Taoisme : « Le Ying et le Yang », guerre et spiritualité, qui rejoint Eros et Tanatos avec un aspect philosophique du pion posé, sans remède car le pion ne peut se déplacer : « Nous sommes les pièces que joue le Ciel et nous retournons dans une boite qu'est le néant ».
Claude, joueur de Go, nous indique qu'il y faut les mêmes qualités que pour se battre au sabre.
Robert V. professeur de mathématiques précise que ces jeux, bridge, go, échecs sont des paradigmes mathématiques donc, que la joueuse de Go a le goût infini des mathématiques. Un texte d' Euclide fonde la géométrie et l'arithmétique. Claude insiste : Arthur Koestler in « La corde raide » emprisonné durant la guerre d'Espagne, dit qu'il a alors tenu le coup, parce qu'il s'est posé un problème et l'a résolu. Il recherche la démonstration d'Euclide de l'infinité des nombres premiers » . « Un problème résolu », dit-il, « vous rend l'égal de Dieu aussi bon qu'un coït bien fait ».
Nous voyons, autour de cette table de jeu, une figuration de l'amour impossible de l'Inconnu pour cette joueuse de Go qui montre une volonté de puissance, vis-à-vis de l'adversaire. Chacun est représentatif de sa civilisation propre. Elle est l'unique femme admise dans le cercle fermé des amateurs, donc affrontement Chine / Japon et jeu de domination territoriale mais aussi jeu de Go : jeu du mensonge ; Dans la première partie, le japonais est réticent pour jouer avec elle mais la joueuse de Go se ploie au rythme de l'Inconnu. Ainsi le lecteur constate que le livre est construit sur une série de paradoxes, de conquêtes ; c'est une lecture extrêmement sociale car la joueuse a une volonté de liberté, d'affirmation de soi, de refuge dans le jeu de Go mais aussi de délivrance sexuelle., donc dialectique pour s'ouvrir à une autre sorte de comportement, d'égal à égal : donc « le jeu de l'amour et de la mort » .
De nombreuses assimilations culturelles ont été données par les participants : Judith , jeune juive, héroïne de la résistance aux tyrans, qui coupe la tête d'Holopherne, général assyrien ennemi au bout d'une nuit d'amour, ou encore la rencontre de Penthésilée, reine des Amazones qui se porte au secours de Troie, tuée par Achille , qui admire sa beauté et pleure sa mort. Mais aussi les références musicales que donne Danielle Grégoire, de Tancrède , preux amoureux de Clorinde (guerrière sarrazine ), selon « La Jérusalem délivrée » du Tasse, tragédie de Voltaire en 1760, dont Rossini tira en 1813, un opéra.
Nous avons discerné bien sûr, des rapprochements avec la littérature japonaise de Kawabata , par de nombreuses références symboliques, culturelles du côté aussi de la littérature allemande du 19 ème siècle. Tout est antérieur à l'écrivain qui a aussi écrit « L'Impératrice ». Christiane recommande la lecture de « ‘ L'abécédaire de la Cité Interdite » chez Flammarion .
Dans « le jeu de Go, » il y a une règle du suicide. Le roman est situé à l'intersection de la civilisation ancienne et de la civilisation moderne, un jeu de miroirs inversés. La fonction du Soldat est de mourir, après avoir tué la jeune chinoise malgré l'amour qu'il lui porte.

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