Science Fiction

                                                   SCIENCE FICTION

                                               Séance du 17 Février 2013


Avant de vous présenter « Demain les Chiens » de Clifford D. Simak et d’en discuter avec vous, je vous propose un rapide aperçu de ce qu’on appelle la « Science Fiction »
Science-Fiction est le vocable généralement admis pour désigner un genre littéraire qui essaie de se projeter et de nous projeter, les lecteurs, dans l’espace et dans le temps, bien en dehors de nos références familières; le contenu scientifique n’est pas nécessairement exact mais imaginé plausible pour justifier et soutenir le récit et permettre à l’imagination de l’auteur de s’exprimer ; en fait dans le mot composé Science-Fiction la partie Fiction s’applique et s’impose à la partie Science ; sans cette convention, par exemple, presque tous les récits de voyages interstellaires, qui se déroulent souvent, n’en déplaise à Einstein, à des vitesses supra-luminiques ne seraient pas acceptables, et ce serait bien dommage. Ceci dit il y a parfois une part non négligeable de véritables données scientifiques selon les aptitudes de l’auteur et le sujet traité
Avant même que le mot existe il y a eu des précurseurs, que vous connaissez, Swift, Cyrano de Bergerac, Voltaire qui ont utilisé le dépaysement pour exprimer à moindre risque des opinions que la société figée où ils vivaient aurait mal accepté ; ce faisant ils réalisaient un grand pas conceptuel en éveillant les esprits à la différence et au changement.
C’est à partir du 19ème siècle avec Mary Shelley dès 1816,  «  Frankenstein ou le Prométhée moderne », Jules Verne et surtout HG Wells entre 1895 et 1900 (« la machine à explorer le temps », « l’ile du Dr Moreau » et « la guerre des mondes »), qu’on peut commencer à parler de science-fiction ; ce sont des textes, nourris par les bouleversements dans cette période de fractures avec les anciens régimes (fractures politique, économique, technologique), où l’on ressent déjà (c‘est même écrit par Mary Shelley) le retour en force de la tentation prométhéenne que poursuivra tout le 20ème siècle et où nous baignons encore et qui sur le plan littéraire verra entre autres l’essor de la Science-fiction en tant que genre distinct. Malgré les guerres, les crises, les menaces nous avons vécu ainsi, et les auteurs de science-fiction ont accompagné et à leur façon glorifié cette tension vers plus, mieux, plus vite, plus loin.
Et cela explique aussi que le genre se soit développé d’abord aux Etats-Unis, (entrés dans la révolution industrielle en même temps que l’Europe mais ayant déjà pris une avance substantielle) et ce à partir des années 1930.
Pour comprendre la rapidité de cet essor il faut aussi s’intéresser au support même des récits de SF qui était alors les pulp-magazines (comme dans « Pulp-fiction » de Tarantino qui rend par ce titre hommage à ce genre de publications) qui délivraient de la littérature d’évasion bon marché, récits policiers, westerns et à partir du milieu des années ‘20 récits de SF.
Or qui dit magazines ne dit pas « Romans », mais « Nouvelles », et la Nouvelle est un genre exigeant car il faut faire court et intéressant, il faut une idée maitresse, un développement court et pertinent et une chute ; il n’ y a pas de temps perdu dans une nouvelle, et cela s’accorde bien avec le caractère américain (time is money) ; pour un éditeur de magazine mensuel il faut donc trouver une centaine de bonnes ou acceptables nouvelles par an pour survivre ; c’est ce qui a plu aux lecteurs américains car, par rapport aux récits policiers et de western, les contextes et les situations de SF pouvaient être bien plus variés : robots, aventures galactiques, paysages différents, mutants et extraterrestres, il y avait peu de limites à l’imagination car l’invraisemblable devenait vraisemblable (vitesses supra-luminiques, télépathie, lois de la gravitation abolies etc…).
Très vite les lecteurs sont devenus plus exigeants les bons éditeurs ont dû et ont su découvrir de bons auteurs et de nouveaux talents, souvent des hommes jeunes, imaginatifs, souvent aussi dotés d’un bon bagage scientifique, lecteurs de SF eux-mêmes comme Asimov et Simak et qui savaient donner de la crédibilité à leurs histoires.
Dans ce foisonnement des années ’30 un magazine qui s’appelait alors « Astounding Stories » et maintenant « Analog », car il existe encore après 80 ans sans interruption, et son Editeur John W. Campbell jr sont sortis du lot et ont contribué à faire naitre ce que l’on a appelé l’Age d’or de la SF; Campbell est reconnu comme la force motrice de cette évolution, il a porté « Astounding » en tête des magazines et a imposé l’idée qu’une histoire pouvait être extraordinaire mais devait être bien écrite et cohérente pour trouver sa crédibilité en elle-même.
Il a sélectionné ses auteurs, les a conseillés, critiqués constructivement, parfois orientés (Asimov a dit que c’est Campbell qui l’a mis sur la voie des fameuses trois lois de la robotique) tout en leur laissant leur liberté de style et de création. Il rassemblé au fil des ans une véritable écurie dont sont sortis beaucoup des grands noms de la SF de l’âge d’or : Asimov, Heinlein, Simak, Sturgeon, Poul Anderson etc…Remarquablement presque tous le moment venu (au début des années 1950) sont passé avec succès de la Nouvelle au Roman (tout en continuant à écrire des nouvelles) quand les Editeurs « classiques » càd de livres ont pris conscience du succès des récits de SF et ont commencé à publier plus de romans de SF, à créer des collections distinctes aussi bien en reliés qu’en Poche (beaucoup plus vite qu’en France d’ailleurs).
Et donc si la Nouvelle a tiré le récit de SF vers le haut le Roman lui a donné ses lettres de noblesse, une audience élargie, non seulement aux Etats-Unis mais par l’internationalisation de sa diffusion, que les éditeurs de livres pratiquaient déjà, mais pas les magazines ; il aussi assuré la pérennité de beaucoup de récits parce que contrairement aux livres les magazines sont une denrée périssable et souvent ne survivent (et donc leur contenu) que chez les collectionneurs.
Donc pendant ce temps et après que s’est-il passé en France en matière de Science-Fiction ?
A ma connaissance il n’y a pas eu de magazine du genre SF en France avant les années 1950.
En ce qui concerne les romans peu de choses à part la continuation de la publication des ouvrages de Jules Verne et les traductions de HG Wells et la parution de quelques ouvrages vers la fin du 19ème et le début du 20ème dont le seul qui ait laissé des traces est « La fin de la Terre » de JH Rosny ainé et peut-être sa « Guerre du feu », qui est plus une spéculation qu’un roman historique. Notons cependant « Ravages » de Barjavel en 1943 et son  Voyageur imprudent qui est une histoire de voyage dans le temps et la traduction du « Meilleur des mondes » de Huxley parait chez Plon en 1948 et celle de « 1984 » d’Orwell chez Gallimard en 1950.
Toutefois l’édition systématique de romans de SF en France commence vers 1950 presqu’en même temps qu’aux USA avec la collection « Anticipation » au Fleuve Noir, suivie de près par le « Rayon Fantastique », au début une coopération Hachette-Gallimard, puis Gallimard seul, suivie chez Denoël par « Présence du futur » et vers 1962 la collection « Ailleurs et demain » chez Laffont et qui existe encore.
Toutes ces collections ont publiés d’excellents ouvrages et entre elles pratiquement tous les classiques de SF, « Présence du futur » ayant eu le catalogue le plus fourni.
Une collection mérite une mention spéciale (parce que je l’aime bien et qu’elle a procuré mes premières lectures de SF):
« Anticipation » parce qu’elle a été la première, qu’elle a duré très longtemps (jusqu’en 1997)et que presque tous les auteurs étaient français (parmi eux Stefan Wul, F Richard Bessière, Jimmy Guieu à l’époque journaliste au Provençal et qui a écrit plus de 30 titres , Jean-Gaston Vandel, 2 belges en fait); il n’y a eu qu’un ou deux auteurs deux américains dont … L. Ron Hubbard qui a été le créateur de … l’Eglise de Scientologie (comme quoi la SF peut mener à tout). Les 150 premiers n°s de la collection sont en général de bons ou très bons livres, notamment ceux de Stefan WUL, dont quelques titres sont repris et toujours disponibles chez Folio SF. Après cela ce sont surtout des séries de romans, notamment la série « Perry Rhodan », allemande, le champion toutes catégories avec plus de 3700 titres publiés en Allemagne.
En France la diffusion de magazines de SF n’a pas eu, même toutes proportions gardées, la même ampleur qu’aux Etats-unis ; le premier a été Galaxie (avec ie) de 1953 à1959, interrompue puis reprise avec un autre éditeur, les éditions OPTA de 1964 à 1977 ; c’était une bonne revue mais qui ne publiait pratiquement que les auteurs de la revue Galaxy, une des 3  grandes US à partir de sa création en 1950 ; notons cependant que la chronique OVNI était tenue par Jimmy Guieu.
Mais les éditions OPTA ont aussi été importantes pour la SF en France et française en publiant dès 1953 la revue « Fiction », qui bien que liée à un magazine américain (« The magazine of Fantasy and Science-fiction) a fait une part plus importante que Galaxy aux auteurs français comme Gérard Klein, Curval, Andrevon, Carsac, et faisait une place assez importantes à la Fantasy ou Heroic Fantasy cousine de la SF puis a élargi la publication à d’autres auteurs que ceux de MFSF. La revue a vécu près de 40 ans et a publié plus de 400 n°s. En 1966 les éditions OPTA ont créé le Club du Livre d’Anticipation et une collection de poche à la vie assez courte appelée Galaxie-bis qui a publié ou republié des romans de SF importants.
Après un départ un peu plus tardif qu’aux USA on peut penser qu’en termes de publications comme d’auteurs la France tient une place honorable dans le monde de la SF ; mais on ne peut clore ce sujet sans mentionner une entreprise remarquable qui a été la publication au « Livre de poche » sous la direction de G. Klein, D. Ioakimidis et J. Goimard de la « grande Anthologie de la Science-Fiction » qui sur plus de 20 ans a publié en une quarantaine de volumes classés par thème plus de 600 nouvelles parmi les meilleures jamais écrites. La plupart de ces ouvrages sont maintenant épuisés mais peuvent se trouver d’occasion, ou peut-être dans les bibliothèques si elles ne sont pas trop récentes (les bibliothèques je veux dire).
Et cela me procure la transition pour vous parler rapidement des grands thèmes de la SF, mais rassurez-vous il n’y en aura pas 40. Nous mettrions prochainement sur le site de Direlire une liste d’ouvrages encore disponibles neufs avec un petit résumé de l’histoire.
** Et tout d’abord le Space-Opera, càd les récits d’aventures et voyages interplanétaires et interstellaires; ça a été le premier des grands thèmes de SF et toujours le plus important ; ce sont souvent des aventures guerrières ou de conquêtes, l’humanité pouvant être l’agresseur ou l’agressé, ou une victime collatérale. Principaux auteurs R. Heinlein, A.E. Van Vogt, Poul Anderson, J. Williamson, Stefan Wul
** Les catastrophes planétaires : la civilisation (la nôtre en général) a été anéantie par un évènement cosmique, une guerre nucléaire, une attaque d’extraterrestres une catastrophe climatique et les survivants font ce qu’ils peuvent : Robert Merle, Philip K. Dick, JG Ballard
** Voyages dans le temps : c’est très dangereux de voyager dans le temps à cause des paradoxes et cela peut donner aussi lieu à des situations très amusantes ; quelques auteurs : Poul Anderson (cycle de Patrouille du temps), Gregory Benford, Robert Silverberg.
**La Politique Fiction : Malgré le positivisme ambiant du genre, certains auteurs et non des moindres ont anticipé les dérives possibles que pouvait favoriser une progression incontrôlée de la technologie au service de régimes tyranniques ; Aldous Huxley, George Orwell, et avant eux, dès 1920 avec « Nous autres » leur précurseur méconnu Eugène Zamiatine (révélation pour laquelle je remercie Paulette Queyroy) ont imaginé les visions les plus pessimistes sur l’avenir de notre société, en général dans un avenir proche (au moment de l’écriture, et donc vérifiable) sans oublier Norman Spinrad, le plus iconoclaste des auteurs américains de SF.
**Les mondes, sociétés et créatures étranges : le terme se suffit à lui-même et parmi les auteurs qui ont le mieux exploré et décrits ces mondes Franck Herbert avec « Dune », Ursula K. Le Guinn, Jack Vance .**Les histoires de Robots et de cyborgs (les cyborgs sont des être mi-humains mi-robots, en général très hostiles aux hommes à l’inverse des robots) ; le grand maître du genre reste Isaac Asimov.
** Les auteurs plus difficiles à classer parce qu’ils ont touché à beaucoup de genres comme Philip K. Dick, Philip José Farmer (le Cycle du Fleuve), Norman Spinrad.
j’ai fait une grande place dans cette présentation à « l’âge d’or » de la science-fiction, ce qui pourrait donner à penser que c’est une époque révolue  et je crois que c’est un peu vrai. Cependant dans toute littérature, seule une petite partie de la production résiste à l’épreuve du temps, c’est donc vrai aussi de la SF ; aussi d’autres médias, un peu la Bande dessinée, mais surtout le cinéma, avec toutes ses possibilités graphiques actuelles, traduisent plus facilement qu’avant l’étrangeté des êtres et situations que veut décrire la SF. Mais des romans, nouvelles et magazines de SF continuent d’être publiés, des auteurs de l’imaginaire et du merveilleux à se révéler, parfois dans un mélange des genres un peu surprenant : anticipation-SF-heroic fantasy-thriller.



                      « FONDATION », Isaac ASIMOV, Folio SF
Genre : Space-Opéra et Politique-Fiction
‘’Fondation’’ est le premier ouvrage d’une trilogie qui décrit à partir de l’an 12067 le début de l’effondrement du grand Empire Galactique qui règne sur les 25 millions de planètes habitées de la Voie Lactée, notre galaxie.
Cet effondrement est prévu par un scientifique, Hari Seldon, qui a mis au point la Psychohistoire, une méthode mathématique utilisant la psychologie des masses et l’analyse statistique pour prédire le futur de cette société à la fois simple (une société hypercentralisée) et complexe (éloignement, poids du nombre, différences de styles et niveaux de vie) dont les premiers craquements deviennent perceptibles.
L’effondrement de l’Empire entrainera une période d’anarchie et de malheurs de 30000 ans ; pour y pallier Seldon provoque la création d’une Fondation dont le but apparent est de produire une grande Encyclopédie sauvegardant les acquis scientifiques et techniques, permettant ainsi de réduire à un millier d’années l’interrègne calamiteux qu’il prévoit ; mais son vrai but, caché, est plus ambitieux et le roman, qui s’étend sur 200 ans environ montre comment les dirigeants successifs de la Fondation, pris dans un « sens de l’histoire » marxien résolvent les différentes crises qui se présentent périodiquement à eux dans une évolution très dialectique.
Bien sûr Isaac Asimov, immigré russe naturalisé américain, n’emploie pas les termes ‘’sens de l’histoire’’ et ‘’dialectique’’, mais enfin…
Remarquons que comme « Demain les chiens » les épisodes distincts de « Fondation » ont été préalablement publiés comme nouvelles dans la revue ASTOUNDING dans les années ’40.  « Fondation » a obtenu en 1966 un prix ‘’Hugo’’, jusqu’à présent unique, comme meilleur roman de SF de tous les temps.
NB : Dans le 2ème roman de la série, « Fondation et Empire » la Fondation se trouve confrontée à une crise individuelle et non statistique, et dans le 3ème« Seconde Fondation » un affrontement se profile entre les deux Fondations crées par Seldon (l’existence de Seconde Fondation et sa localisation avait été tenue largement secrète) ; la cohérence des théories de Seldon s’affaiblit nettement mais les deux romans, toujours pleins de rebondissements, restent agréables à lire.






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