Billet D'humeur

Je l'ai lu, je l'ai vu et j'en ai entendu parler aujourd'hui: belle écriture, belle construction théâtrale,
mais « Les Bonnes » ou plutôt Jean Genet , puisqu'on l'a bien amalgamé à son texte, m'ennuie(ent) .
Et la marginalité de sa vie – dont il a été beaucoup question -en apparence indispensable à connaître
pour bien goûter l'oeuvre , et qui n'arrive pas à m'émouvoir –( symptôme personnel)- a surtout de
l'intérêt au vu de son décalage d'avec sa langue.
Passée la féodalité et le « confort » hiérarchique de l'Eglise et du Royaume et son « discours »
convenu , l'oxymore, le paradoxe , le mélange des contraires , grammaire de la
subversion/perversion a -sur sa face claire- permis la juste révolte et le « progrès »- : c'est cette
grammaire éclose avec la Modernité qui nous a délivré de l'Autorité : le Roi, Dieu, l'Etat... mais
elle a pu aussi aboutir au cynisme de Mandeville et au divin Marquis ... (et j'entends les accents de
Genet comme une provocation à la marge, peu émouvante quelle qu'en soit leur sincérité).
Et c'est pour le meilleur la révolte de Camus - pour ne pas le citer! - et de Char. Celle qui d'ailleurs
doit s'effacer avant que les Dieux n'aient soif : ici elle me semble s'étriquer à la mesure d'un
boudoir bourgeois et la surprise de 1947 passée s'accommode sans doute bien avec un conformisme
« caviar »,dans le temps.
C'est pour le pire un simulacre du meurtre de l'Autre et/ou de Soi faute d'un vrai ennemi : en cela de
nos jours cette geste me paraît obsolète depuis que s'estompe le Malaise dans la Civilisation
supplanté peu à peu inexorablement par les pathologies mortifères de l'assouvissement programmé
de nos pulsions par les marchands, pathologies qui visent à tuer non plus le Maître , mais
l'Empêcheur du « Tout Tout de suite ».
Les problèmes de l'Identité des personnages apparaissent dans la forme et le fond comme le coeur
de cible de l'oeuvre , qui s'expriment par la variation des langages, des vêtements, des prénoms chez
des personnages en butte aux « salauds »-pour ne citer encore personne -figés eux-mêmes dans
leurs entités apparemment inaltérées. Pour les bonnes, c'est la mort réalisée ou rêvée qui seule peut
« fixer » enfin cette Identité, victime ou bourreau qu'importe , mais accomplie ,définitive. En cela
sourd dans l'oeuvre le malaise existentiel (!).
Quant aux mystères de l'âme des Bonnes, leurs daïmons, leur « arrière-pays » , je les trouve
beaucoup moins fascinants dans cette fiction que ceux des soeurs Papin dans la réalité :
qui me prête son « Détective »?
                                              G.Lehmann

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