Amende honorable: Pour dire autre chose et ne pas réciter - à nouveau - le remarquable roman - qui n'en a pas besoin…mais en rajouter sur l'homme juste !
L'arrivée du colonel Joll les yeux obturés de verres opaques venu combattre ce qui menace l'Empire:c'est l'Évènement qui heurte le semi confort d'un magistrat excentré depuis trente ans dans une ville garnison aux confins d'un désert parcouru de rares et étranges barbares nomades.
Le corps expéditionnaire traque, capture et torture pour étayer sa Vérité : le mensonge d'une menace inéluctable aux portes de la ville, terreur instrumentalisé chez des habitants finalement rendus tous complices par la publicité d'atroces et singuliers sévices infligés aux prisonniers auxquels on les autorise à participer.
Les pistes de l'oeuvre sont multiples: quelques unes prédominent.
L’irruption du Mal dans le quotidien actualise le problème de la Légitimité de l'Etat -qui par nature monopolise la violence mais aussi reconfigure le Réel pour asseoir son Autorité – et celui de la place de l’individu, du « juste » face à cette violence : personnage camusien*, le magistrat tout médiocrate qu'il soit « nous ne pouvons rien y faire. Nous sommes des créatures déchues. Nous sommes réduits à appliquer la loi, tous tant que nous sommes, sans laisser s'évanouir en nous le souvenir de la justice », mais représentant de la Loi, est le complice « objectif » de l'Etat : « contrairement à ce qu'il me plaisait de penser, je n'étais pas l'inverse du colonel, aussi complaisant et bon vivant qu'il était froid et rigide. J'étais le mensonge que l'Empire se raconte quand les temps sont favorables, et lui la vérité que l'Empire proclame quand soufflent des vents mauvais ».
Il n'a pas de plaidoirie audible pour les tortionnaires ni pour le peuple compromis et il ne peut que hurler le « non » de l'homme révolté! Battu, ridiculisé, facticement mis à mort -de façon pire qu'une vraie exécution -il n'est pas un martyr, il ne témoigne de rien auprès des autres : absolument solitaire, réduit au seul corps souffrant , déshumanisé , objectivé. C'est un christ, mais un christ coupable qui ne meurt pas et demeurera dans l'humanité pour revivre toujours les recommencements .
Et à l'imperfection radicale du juste est liée l'insondable question du :« qui suis-je! », du :« Je est un Autre » qui participe aussi de l'aléatoire et de l'incomplétude du rapport à cet Autrui qui nous reste en tout ou partie opaque : au mieux tout est sous-entendu ou malentendu et même la communion apparemment profonde n'est jamais que ressemblante
»lorsque je l'étreins, elle ferme les yeux...ce n'est que du théâtre...mais…elle croit au rôle qu'elle joue. Quant à moi, ...ça m'est égal...me laisser couler encore dans le sombre fleuve de mon propre plaisir »
Cette communion en tous cas ne relève que d'une coïncidence heureuse et ne peut se commander ni par le geste, ni par le regard, ni par la parole.
L'altérité est dans le paysage des confins, dans l'Autre et en Soi , mais elle n'est pas radicale :sa complexité autorise l'espoir : il n'y a pas de monstre absolu ni dedans ni dehors et c'est peut être ce qui permet de comprendre pourquoi le Mal n'a jamais encore triomphé dans l'Histoire : le Bien se laisse entamer mais rebourgeonne obstinément :
»les enfants ne doutent pas un instant, quand ils jouent à l'ombre des grands arbres, que ces arbres si vieux ne soient là pour toujours; ils sont sûrs qu'un jour, ayant grandi, ils seront forts comme leurs père, fertiles comme leur mères, qu'ils vivront, prospèreront, élèveront à leur tour leurs enfants et vieilliront en ce lieu où ils sont nés »
ainsi peu à peu le don des habitants au magistrat recrée dans l'échange une humanité, même si l'on sait que les germes de la Peste restent nichés dans les vieux linges au fond des armoires .
Gilbert Lehmann
L'arrivée du colonel Joll les yeux obturés de verres opaques venu combattre ce qui menace l'Empire:c'est l'Évènement qui heurte le semi confort d'un magistrat excentré depuis trente ans dans une ville garnison aux confins d'un désert parcouru de rares et étranges barbares nomades.
Le corps expéditionnaire traque, capture et torture pour étayer sa Vérité : le mensonge d'une menace inéluctable aux portes de la ville, terreur instrumentalisé chez des habitants finalement rendus tous complices par la publicité d'atroces et singuliers sévices infligés aux prisonniers auxquels on les autorise à participer.
Les pistes de l'oeuvre sont multiples: quelques unes prédominent.
L’irruption du Mal dans le quotidien actualise le problème de la Légitimité de l'Etat -qui par nature monopolise la violence mais aussi reconfigure le Réel pour asseoir son Autorité – et celui de la place de l’individu, du « juste » face à cette violence : personnage camusien*, le magistrat tout médiocrate qu'il soit « nous ne pouvons rien y faire. Nous sommes des créatures déchues. Nous sommes réduits à appliquer la loi, tous tant que nous sommes, sans laisser s'évanouir en nous le souvenir de la justice », mais représentant de la Loi, est le complice « objectif » de l'Etat : « contrairement à ce qu'il me plaisait de penser, je n'étais pas l'inverse du colonel, aussi complaisant et bon vivant qu'il était froid et rigide. J'étais le mensonge que l'Empire se raconte quand les temps sont favorables, et lui la vérité que l'Empire proclame quand soufflent des vents mauvais ».
Il n'a pas de plaidoirie audible pour les tortionnaires ni pour le peuple compromis et il ne peut que hurler le « non » de l'homme révolté! Battu, ridiculisé, facticement mis à mort -de façon pire qu'une vraie exécution -il n'est pas un martyr, il ne témoigne de rien auprès des autres : absolument solitaire, réduit au seul corps souffrant , déshumanisé , objectivé. C'est un christ, mais un christ coupable qui ne meurt pas et demeurera dans l'humanité pour revivre toujours les recommencements .
Et à l'imperfection radicale du juste est liée l'insondable question du :« qui suis-je! », du :« Je est un Autre » qui participe aussi de l'aléatoire et de l'incomplétude du rapport à cet Autrui qui nous reste en tout ou partie opaque : au mieux tout est sous-entendu ou malentendu et même la communion apparemment profonde n'est jamais que ressemblante
»lorsque je l'étreins, elle ferme les yeux...ce n'est que du théâtre...mais…elle croit au rôle qu'elle joue. Quant à moi, ...ça m'est égal...me laisser couler encore dans le sombre fleuve de mon propre plaisir »
Cette communion en tous cas ne relève que d'une coïncidence heureuse et ne peut se commander ni par le geste, ni par le regard, ni par la parole.
L'altérité est dans le paysage des confins, dans l'Autre et en Soi , mais elle n'est pas radicale :sa complexité autorise l'espoir : il n'y a pas de monstre absolu ni dedans ni dehors et c'est peut être ce qui permet de comprendre pourquoi le Mal n'a jamais encore triomphé dans l'Histoire : le Bien se laisse entamer mais rebourgeonne obstinément :
»les enfants ne doutent pas un instant, quand ils jouent à l'ombre des grands arbres, que ces arbres si vieux ne soient là pour toujours; ils sont sûrs qu'un jour, ayant grandi, ils seront forts comme leurs père, fertiles comme leur mères, qu'ils vivront, prospèreront, élèveront à leur tour leurs enfants et vieilliront en ce lieu où ils sont nés »
ainsi peu à peu le don des habitants au magistrat recrée dans l'échange une humanité, même si l'on sait que les germes de la Peste restent nichés dans les vieux linges au fond des armoires .
Gilbert Lehmann
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