"A rebours" de Georges-Charles HUYSMANS le 15 mai 2007



Le billet à Claudine par Michel BOUDIN
Il conviendrait sans doute, très jolie cousine, de faire figurer en première page du livre de Huysmans "A rebours" cette mise en garde: "Nul n'entre ici s'il n'a la tête froide et les nerfs solides".
Où trouver en effet dégoût plus prononcé pour le réel quotidien et pour la vie de son siècle que dans cette oeuvre étrange et tourmentée?
Il semble difficile de cultiver avec plus de raffinement, l'évasion, dans une sorte d'excenticité aristocratique! Au point que bien souvent, ce curieux roman présente des aspects fortement nihilistes.
Bref, de l'aveu même de son auteur, (lettre à Zola) : "C'était un livre à ne pas faire, car il était par trop difficile, avec ce flottant personnage, tel que je l'avais conçu, chrétien et pédéraste, impuissant et incrédule."
Peut-être. Mais il aurait été fort dommage, Claudine, que cet inclassable roman n'ait pas vu le jour! Car il s'agit là d'un monumental pari d'auteur, décidé à écrire un roman ne ressemblant à nul autre, à l'aide d'une prose exceptionnelle qui chérit le détail impitoyable et le mot rare.
Pari d'auteur, pari tenu.
Tu peux, Claudine, ouvrir "A rebours". Il te tombera sans soute quelquefois des mains, mais bien vite tu le reprendras. Son pouvoir de fascination est venu à bout des réticences pourtant répétées de ton cousin
FLORENTIN

Paulette QUEYROY en fin de séance a jeté un froid en citant ces passages de Huysmans à propos de Marseille, de l'Allemagne et de son antisémitisme
S'il fallait décerner la palme de l'antiméridionalisme, Huysmans la recevrait sans injustice. Dans un carnet inédit, il pose en 1887 une équation dont il ne démordra jamais : « Midi – race de mendiants et de lâches, de fanfarons et d'imbéciles » Germanophile, il avoue l'être avec provocation à une époque où domine l'esprit de revanche anti-allemand : « Je me sentirai toujours plus d'affinités , déclare-t-il dans un autoportrait datant de 1885, pour un homme de Leipzig que pour un homme de Marseille. Tout, du reste, tout, excepté le Midi de la France ». Déjà dans une lettre de 1884, c'est à la ville de Marseille et aux Félibres qu'il s'en prenait, avec une agressivité verbale et une imagination scatologique dont il ne cherchait pas, selon les pratiques de son temps, à voiler ce que le nôtre appelle des accusations racistes.
Ne trouvez-vous point que la fête des niais félibres et que les oraisons obituaires stillées sur la tombe de l'intéressant Chapron, cet homme « nourri de la moelle des maîtres », ce grand cœur, bon fils, bon locataire, journaliste de bonne foi, etc. etc., sont d'un comique dont la noirceur déconcerte ?
Je voudrais être Dieu pour verser les tinettes de Bondy sur la ville et embrener à jamais cet odieux Midi pour lequel je me sens une haine d'Inquisiteur.
Vive l'Allemagne et à bas Marseille ! - ah ! les Valmajour et les Mistral, la Provence et le Quercy ! - quand je me sonde, je me sens une haine de catholique contre l'ignoble juif qui domine maintenant le monde et une exécration de vieux saxon contre la bruyante race latine. Non, vrai, je ne suis pas de mon temps ! et surtout pas de la nationalité qu'on m'impose !


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