"Les soldats de Salamine" de Javier CERCAS le 2 avril 2007


"Les Dieux ont caché ce qui fait vivre les hommes" Hésiode:Les travaux et les jours
Qu'auriez-vous fait en pareille circonstances?-ce fut la première question posée au début de la rencontre autour des "Soldats de Salamine". Quelles circonstances? L'exode, la déroute, la débâcle, comme celle des Perses à Salamine, des Français à la Bérézina?   C'était en 1939, l'année des derniers jours de la jeune république espagnole, l'année des premiers jours de la deuxième guerre mondiale. En ce temps là, raconte en 1994 à un petit journaliste nommé Javier Cercas l'écrivain à succès Ferlasio, son père, Rafael Sanchez Mazas a échappé deux fois à une exécution. La première fois, il sortit miraculeusement vivant de la rafale de balles tirée par un peloton d'exécution: l'Histoire - grand H - en témoigne; qui avait donné l'ordre? Les "Rouges": c'étaient les derniers jours de la République Socialiste Espagnole. Fuyant aussitôt après dans la forêt du Collel, talonné par les "Rouges", il se trouve nez à nez avec un milicien républicain armé qui au lieu de l'abattre le regarde un moment puis tourne les talons: à la question des autres "il est par là?" le Sauveur Inconnu cria: "Il  n'y a personne" L'histoire que raconta Ferlosio commençait par: "Mon père racontait que...". Mémoire, transmission d'histoire. Pourquoi un rouge a-t-il laissé la vie sauve au Premier Phalangiste d'Espagne, écrivain, poète, chantre d'un grandiose fascisme inspiré du rêve mussolinien qui a mis le pays à feu et à sang: le journaliste veut en avoir le coeur net :le voilà qui se met en quête de témoins susceptibles de le conduire jusqu'au Magnanime. Et l'auteur nous promène dans l'après-guerre, non pas "vingt ans après" mais soixante.. Finalement nous le trouvons dans une maison de retraite ce héros, ce vieux grognard qui combattit sous le drapeau rouge pour le Front Populaire Espagnol, puis durant toute la seconde guerre mondiale, sous le drapeau tricolore pour le Liberté, la liberté de danser le paso doble avec une femme et non avec un fusil.
Etait-ce bien Lui? Son dernier mot audible est "Non",mais il a une fin de mot inaudible..
Quant au mot de la fin:"De l'avant, de l'avant, toujours de l'avant" Et bien dansez maintenant . Avec Conchi, pythonisse à la télévision, qui allait sans culotte et soutenait vaillamment le journaliste investigateur!

                           Annie Rouzoul

FICTION   ou  REALITE

Ce lundi 2 Avril fut pour moi un bon jour. Réunis avec vous dans la soirée, pour la présentation des  « Soldats de Salamine » de Javier Cercas, je sortais de la projection du film «La Vie des autres » de Henckel von Donnersmarck. Ceux qui n'ont pas lu le livre ou n'ont pas vu le film me diront « Quel rapport ? » Je vais donc essayer la comparaison.

Le livre « les soldats de Salamine » nous met en phase avec un épisode de la guerre d'Espagne. Un écrivain de 45 ans en 2002 raconte « un fait réel ».

Quelques rappels historiques du conflit qui opposa de 1936 à 1939, le gouvernement républicain espagnol de « Frente Popular » élu en Février 1936 à la Phalange (falangio espanola) organisation nationaliste d'obédience fascisante fondée en Octobre 1933 par José Antonio Primo de Rivera, ancien dictateur d'Espagne de 1923 à 1930.

Revenons au « fait réel » et à l'enquête menée par le journaliste écrivain qui serre de très près les survivants de l'épisode concerné. Le 30 Janvier 1939, un des fondateurs de la phalange espagnole Rafaël Sanchez Mazas est fusillé dans la prison de Collell avec 48 autres prisonniers, or, il en réchappe en s'enfuyant dans la forêt. Un soldat chargé de poursuivre quelques fuyards, le trouve caché dans un fourré, le regarde droit dans les yeux, hausse les épaules (suivant la transcription de différents auditeurs du « fait réel » raconté), lui laisse la vie sauve, et au gradé qui l'interpelle à l'arrière plan, il répond « Personne » en espagnol « Rien ».

Mazas, le poète, l'esthète, admiratif de la Renaissance italienne et des condottieres est recueilli par trois soldats qui ont déserté les rangs républicains et qui attendent l'arrivée imminente des franquistes, tout en le protégeant. Mazas, doyen des phalangistes ( Rivero fusillé au début de la guerre,) est nommé par Franco, ministre sans portefeuille dans le premier gouvernement d'après guerre.

L'épisode relaté a donné lieu à débat. Est-ce vrai, ? est-ce une fiction ? Certains employaient le mot roman ! Trois amis présents et une amie, ma voisine, très marqués par leurs souvenirs personnels et leur vécu manifestaient leur émotion. C'est tellement bien de le faire !

D'aucuns insistaient sur l'épisode« improbable, faux, non-dit, non vérifié aux archives ».



Mais je vous entends : »Quel est le rapport avec « la vie des autres » ?

Eh bien dans ce film magnifique récompensé par les « Awards » américains et « l'Oscar » du meilleur film étranger en 2007, un agent de la « Stasi », en Allemagne de l'Est, début des années 198O, Wiesler, a pour mission d'observer à travers micros et branchements téléphoniques, les actions multiples d'un auteur à succès Dreyman et de sa compagne Christa-Maria Sieland. Le couple est considéré comme faisant partie de l'élite des intellectuels de l'Etat communiste, même, si secrètement, ils n'adhérent pas aux idées du Parti.

Fasciné par le couple tandis que progresse l'enquête qu'il édulcore, connaissant l'arrestation imminente de l'écrivain trahi par sa compagne, Wiesler, l'agent secret, pénètre chez celui-ci et subtilise la machine à écrire portative cachée. IL SAUVE AINSI LA VIE DE L'ECRIVAIN : plus de preuves. Wiesler, est dégradé, « mis au placard, » durant quatre ans et demi. A la chute du mur de Berlin, en Novembre 1989, devenu simple facteur, il découvrira en vitrine de librairie, le livre écrit par Dreyman en hommage à son geste «L'HOMME BON » ». La dédicace « à  WX 32/24 Avec toute ma gratitude »  « C ‘est pour moi » dit-il au libraire avec un sourire radieux et des yeux illuminés de clarté : une renaissance.

Alors, pour « les soldats de Salamine » oubliez les critères, les critiques, les arguties purement littéraires et comme nos amis, acceptez et laissez vous aller à l'émotion du beau geste, gratuit.

Le « petit fait vrai » est nécessaire dans la fiction pour évoquer la réalité. La vérité est-elle supérieure à toute fiction ? « Affaiblir l'effet de réel peut affaiblir l'œuvre » dit Marc Petit dans « Eloge de la Fiction » Ne démystifions pas. L'homme Bon a pu exister dans tout conflit humain.
Monique BECOUR

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