"Le Château" de Franz KAFKA le 21 janvier 2007



Kafka sachant qu'il va bientôt mourir, écrit "Le Château" qu'il ne termine pas et qui ne doit pas être lu.
Etrange livre et étrange personnage. Une amie très proche écrivait longtmps après la mort de Kafka à son éditeur qu'elle ne savait pas qui il était.
Dans ce livre, leChâteau que le héros n'atteint jamais car impossible à pénétrer, plus on s'en approche et plus il s'éloigne, dit-il, le Château est-il père, Dieu, désir, ventre de femme..?
Les personnages sont instables et fuyants, sautant d'un pied sur l'autre, se contredisant sans cesse. Qui sont-ils, que veulent-ils? Il semblerait qu'il ne le sache pas, ce K. qui n'est jamais à sa place. La relation sexuelle parait être aussi impossible que la pénétration du Château, on s'agite beaucoup mais le désir reste inassouvi, l'intimité violée.
Dans cet univers sombre, surgissent des interprétations semi-délirantes et un humour noir matérialisé par des êtres sautillants et lubriques, les "aides".
K. est-il Monsieur Klamm? Peut-être mais sans doute un être en souffrance qui se débat et qui lutte.
Maryvonne NICCOLAI
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Le billet à Claudine de Michel BOUDIN
Un "CHATEAU" bien gardé
S'il faut en croire Kundera, attentive Claudine, le difficile avec Kafka, c'est d'abord de traverser l'impénétrable domaine de la "kafkalogie".
Il appelle ainsi le discours destiné à substituer à Kafka un Kafka qui n'est pas lui.
Le kafkologue, par exemple, estime que la biographie est la clef principale pour la compréhension de l'oeuvre et tant pis si LE CHATEAU parle d'autre chose.
Le même kafkologue, cousine, cherche à faire de Kafka un saint. C'est la dérive hagiographique, Kafka martyr de sa solitude ou apôtre du geste sacrificiel (destruction de son oeuvre). Mais quand parle-t-on du romancier?
Bref, nous dit Kundera, la kafkologie ne sait voir dans les romans de Kafka que des allégories; allégories religieuses, psychanalytiques, existentialistes, marxistes ou même politiques.
Alors, me diras-tu, curieuse Claudine, que chercher d'autre dans LE CHATEAU? Peut-être "la radicalité d'une révolution esthétique". Kafka a su résoudre cette immense énigme: "être rigoureux dans l'analyse du monde et en même temps toujours irresponsablement libre dans les rêveries ludiques".
Ouvrir une brèche dans le monde du vraisemblable, voila, Claudine, une nouvelle clef pour reprendre ta lecture du CHATEAU que va essayer de visiter une fois de plus ton cousin
FLORENTIN
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Une quête sans fin
On patauge, on s'embourbe, on va, on revient, on se perd dans des labyrinthes, on se heurte à des barrières. Impossible de pénétrer le secret de ce château inaccessible! Qui en est le maître? qui donne des ordres? C'est, en tout cas, un pouvoir déifié, un pouvoir qui, en entretenant le mystère, la crainte, la culpabilité, impose sa loi à tous. Tous s'épuisent à obéir et même à justifier (voire devancer) des ordres qui, peut-être, ne viennent de nulle part. Tous sont fatigués, ou malades, étendus sur leur lit, haletants.
Mais K. ne renonce pas. Il est l'arpenteur, celui qui prend la juste mesure du monde. Fatigué lui aussi à force d'errances, mais tranquille, patient, ironique parfois, il mène avec obstination sa quête et son contrat: à l'absurde, il oppose le bon sens, au mystère il oppose la réalité. Il cherche, interroge, relève les erreurs de raisonnement, les abus de pouvoir. Ses instruments sont la raison et la parole.
L'auteur n'agit pas autrement que son personnage: par le pouvoir de la pensée, de l'écriture, de l'humour aussi et de la dérision., il cherche à démythifier les forces obscures qui l'oppriment et l'oppressent. C'est unj combat sans fin.
Et "Le Château" est forcément un roman sans fin: la quête de K. se poursuit, comme se poursuit le questionnement de Kafka et celui du lecteur...
Monique SICARD
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Il n'aurait pas dû traverser le pont car l'on avait déjà dit à Joseph K.: "La justice ne veut rien de toi. Elle te prend quand tu viens et te laisse quand tu t'en vas". Puis l'antre obscur de l'auberge rempli de paysans, premiers des regards multiples: Mounier a décliné l'angoisse sartrienne du regard de l'Autre qui me chosifie, me catégorise, me limite, exclut mes autres possibles ou mes secrets et source de honte car je ne suis pas que ce que tu vois de moi. Et devenu chose dans le rapport humain, je peut devenir chose de Sade. C'est un possible de celui qui n'est ni du Château , ni du village, qui n'est rien. Rien mais coupable: la culpabilité existe, puisque existe l'ostracisme et le châtiment, donc la faute; se sentir contagieux et repoussé: le père d'Amalia devenu étranger dans la maison de l'Etre, comme l'est K d'emblée, revendique la faute et la sentence qui lui sont déniés pour rétablir une causalité, une histoire cohérente, connaître la Chute pour imaginer un Salut. Savoir enfin si la Grâce lui est donnée ou non, mais savoir, même si l'Enfer est certain: l'Espoir n'existe et ne torture que par le doute; le dés-espoir seul conduit à l'ataraxie. Burlesque, comique peut être en son temps, avant le premier tiers du siècle...mais après que l'expérimentation de ces possibles du sapiens sapiens ait si bien abouti !
G. LEHMANN
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