« L’usage de la Parole » et « Enfance » de Nathalie Sarraute


Nous étions réunis  le ler Octobre 2007 afin d’écouter Marie nous parler avec beaucoup de bonheur de « L’usage de la Parole » et de « Enfance » de Nathalie Sarraute.
Nathalie Sarraute, née en Russie en 1900, de parents juifs, va souffrir d’une enfance malmenée. Lorsqu’elle a 7 ans, sa mère – qui a refait sa vie en Russie, alors que le père,  est venu s’établir en France  – confie Nathalie à son oncle dans un train en partance pour Paris. Arrachée du quai, elle ne reverra la mère que dix longues années plus tard. Les résonances, les impressions sont ressenties par le lecteur dans  « Enfance, » écrit pour ses 83 ans et qu’elle a porté en gestation, dit-elle, durant toute son existence. J’ai exprimé l’avis que cet ouvrage devrait  être recommandé par tous les juges à des parents en conciliation, lors des procédures de divorce, tant il est représentatif, comme un buvard imprégné, de la souffrance d’un jeune enfant avec une économie de langage.

« L ‘usage de la Parole, » écrit vers 1980,   tableaux courts,  petits moments de vie saisis non par la description mais par les sensations qu’ils provoquent et les paroles en surface anodines.. Nathalie Sarraute, qui devient avocate au Barreau de Paris, mène parallèlement une lutte incessante (avec Alain Robbe Grillet, tous deux fondateurs du « Nouveau Roman » dès 1955), pour de nouvelles formes d’écriture, pour la mort du « personnage » et la disparition de l’intrigue dans « l’Ere du Soupçon »  et  «un Nouveau Roman ».  
 Nathalie Sarraute, dans « Enfance » applique sa théorie  des « personnages-supports ». Les personnages tendent à ne plus être des types, mais de simples supports, des porteurs d’état que nous retrouvons en nous-même. Elle devine son père à d’infimes, d’infinies particules ultra rapides. Pour les saisir, il faudrait un langage particulier. « On n’a pas encore découvert ce langage qui pourrait exprimer d’un seul coup ce qu’on perçoit en un clin d’œil : tout un être et ses myriades de petits mouvements surgis dans quelques mots, un rire, un geste ». La mimique d’un personnage éclaire la recherche de Nathalie Sarraute. Elle croit en la nature humaine mais explore les réalités inconnues, difficilement discernables. Les états qu’elle veut saisir sont comme les phénomènes de la physique moderne, si délicats et si infimes « qu’un rayon de  lumière ne peut les éclairer sans qu’il les trouble et les déforme ».Elle les désigne sous le nom de « Tropismes » (premier ouvrage paru en 1939). Pour exemple, la progression d’une tige dans une direction donnée vers le soleil sous l’influence d’une excitation : lumière ou chaleur.
 Le roman autobiographique essaie de surprendre ces mouvements indéfinissables qui glissent aux limites de notre conscience, à l’origine de nos gestes, nos paroles, nos sentiments, impossibles à définir. Dans « Enfance », le monologue intérieur  entend restituer le courant de conscience à l’état brut,  par dédoublement de la parole : la première voix se plonge dans le passé de la narration, l’autre voix, le «  tu » est critique, sceptique :  la conscience de l’écrivain tutoie le narrateur. Avec le style parlé est recherché le naturel à tout prix et non le « naturalisme ».J’ai relevé « une mise en abîme » (technique du « Nouveau Roman »).  Elle peut  être utilisée sous différentes formes : dans ce cas,  il s’agit du récit (fictif) en train de se créer à l’intérieur du récit : la petite Nathalie qui fait répéter ses leçons par des cocotes en papier représentant les élèves de sa classe.
                                                                            Monique BECOUR

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