"Le serment des barbares" de Boualem SANSAL le 16 novembre 2008





















Boualem Sansal , né en Algérie, près d' Orléansville eut un grand père francophile, chef de gare. Il fréquente l'école de Jules Ferry, n'a que 13 ans en l962 et donc aucune possibilité d'engagement fort. Après de solides études d'ingénieur, il devient économiste, crée une entreprise, devient directeur général de l'industrie, écrit sur la turbo réaction et l'économie.

Très proche de Rachid Mimouni dont il suit le parcours, il s'enferme chez lui physiquement et intellectuellement, pour éviter d'être abattu, il décide d'écrire en 1998 à Boumerdès une fiction pour décrire les évènements en Algérie.

Ce premier livre immédiatement retenu par Gallimard en 1999, obtint le «Prix du Premier Roman», peu lu en Algérie mais reçut un accueil favorable en France.

Jean Courdouan, qui nous présente cette œuvre magistrale, nous donne un petit aperçu historique de l'Algérie indispensable pour la compréhension de l'œuvre et nous incite à la retrouver dans « Le Petit éloge de la Mémoire ou 4000 et une années de nostalgie » du même auteur.

« Le Serment des Barbares » se situe en 1998-1999 . L'intrigue du livre est difficile à maîtriser, peu lisible, camouflée parmi un vertige d'énumérations. Abdallah Bakour , ouvrier agricole, (parti dans l'armée de Bellounis ) s'exile en France dès 1963 dans la famille de ses ex-patrons colons, près de Toulouse. Il revient à Rouiba , et proche d'eux, il promet de s'occuper des anciennes tombes familiales.Un membre de la mafia locale, Sidi Moh , « bazariste , noceur de la pire espèce, soutien financier des intégristes, maître d'œuvre de la corruption qui agite l'administration de la ville » s'oppose vainement à son assassinat décrété par des anciens du Clan Bellounis , désormais affairiste. Devenu un obstacle, Sidi Moh, est exécuté par un islamiste commandité par ses anciens amis . En même temps que lui, Abdallah Bakour est poignardé, près d'une tombe chrétienne.L'enquête, dans ce polar qui n'en est pas un, commence, menée par Larbi , vieux policier de 65 ans, ancien moudjahidin, opposé aux exactions de tous ordres, qui découvre sur une photo destinée à être envoyée à un ex-colon, l'ombre d'un homme, Aouida, qu'il a vu cracher sur une tombe. Larbi demande au photographe local qui a pris la photo de prévenir Aouida qu'il est sur la piste du tueur.Le lecteur découvre les événements dans lesquels Larbi est engagé mais ne sait jamais qui commande, peut être la SM, la Sécurité Militaire, ou les ex-gangsters entrés dans le FLN, ou encore les affairistes qui utilisent l'Islam dévoyé ou le Pouvoir. Lisez le livre, même si vous le posez, vous le reprendrez car il vous tient en haleine.

Les échanges ont beaucoup porté sur cette difficulté de comprendre, mais plus qu'une culture différente, le lecteur est subjugué par l'indignation de Sansal débordante. Le style est magnifique: les descriptions fulgurantes d'Alger, la manifestation du 22 Mars 1993, rue Michelet à Alger (p.174-180- Gallimard), la foule, microcosme organisé par les Algérois qui veulent marquer que le Gouvernement doit jouer le jeu de la République et non de l'Islamisme dévoyé, tout porte un souffle épique vivant.

Un lecteur qui connut l'ancienne Algérie a émis un avis, « l'un des plus grands bouquins lus depuis quinze ans, en raison de sa forme sociologique, analytique, politique, humaine, comme une géologie vivante très complexe ». Un autre s'exprime : « ce style exaspéré, foisonnant rend tout à fait les sentiments qu'ont les « pieds-noirs » pour l'Algérie ».

Mon avis s'exerce sur les petits chapitres, petites nouvelles insérées en 2 pages de police de caractères différents « Histoire d'un mariage » où la jeune mariée débile de 13 ans est assassinée avec toute la noce, ou encore les quatre types d'éducation nationale (p 359), celle des islamistes en costard, celle des taghout (anglaise, française, suisse, québécoise) loin du théâtre des opérations, celle des tangos (les talibans de père en fils), celle de la république dont « le chef est le neveu du Président où l'on apprend à avoir la mémoire courte».

A la question posée sur le titre, Jean répond que « Le Serment des Barbares » représente, vraisemblablement, « la solidarité, la complicité de ceux qui ont pris le pouvoir économique et policier ».

A lire «le Voyage de l'Allemand»(même auteur) sorti en 2008.

Monique BECOUR

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