Gustave FLAUBERT : "L'éducation sentimentale"


Le billet à Claudine de Michel BOUDIN
Ce n'est jamais sans une certaine appréhension, jolie cousine, qu'on entreprend la visite d'un monument de la littérature de la taille de "L'éducation sentimentale".
Surtout quand je songe que ma première approche remonte à plus d'un demi-siècle et que je n'en ai jamais relu depuis une seule page! De quoi se demander comment allaient se passer ces retrouvailles avec Frédéric Moreau et avec "l'Idiot de la famille".
Je dois à la vérité de dire, Claudine, que le talent de M. Bruno VIARD, universitaire, a grandement facilité les choses et que j'ai retrouvé avec délice cet inimitable univers flaubertien. Les rapports de l'auteur avec la vie politique, littéraire, sociale de son temps furent examinés et débattus au cours d'échanges solidement documentés. La notion de "décristallisation" permit d'aller fouiller dans de nombreux recoins de l'oeuvre. Une éducation ou pas, ce long parcours de Frédéric? Chacun se sera fait son opinion.
Le temps nous a manqué, peut-être, cousine, pour examiner le rapport de Flaubert à l'écriture. Je pense à cette remarque de Roland Barthes qui lit dans "Bouvard et Pécuchet" cette phrase:
"Des nappes, des draps, des serviettes pendaient verticalement, attachées par des fiches de bois à des cordes tendues."
"Je goûte ici, dit Barthes, un excès de précision, une sorte d'exactitude maniaque du langage. La langue littéraire s'ajuste à la langue pure, à la langue essentielle, à la langue grammairienne. La description n'est plus le discours oratoire (on ne "peint" rien du tout) mais une sorte d'artefact lexicographique.
Comment mieux définir la magie du verbe de Flaubert?
Je crois, Claudine, que je vais sans plus tarder, aller retrouver Bouvard et Pécuchet qui ont toujours fasciné l'esprit de ton cousin:
FLORENTIN
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L'éducation sentimentale de Gustave Flaubert - 21.09.2008 Monique BECOUR
Mr Bruno Viard, professeur de l'université d'Aix en Provence nous présente Flaubert que Proust appréciait beaucoup ; l'action se passe en 1867, donc deuxième partie du XXe siècle. Le Romantisme s'étend de 1802 (avec Chateaubriand) à 1851 sous la deuxième République. La révolution de 1848 a été une grande chose mais échec avec 6000 à 10 000 morts à Paris, (fusillés aux Invalides ou emprisonnés dans les caves des Tuileries, 9OO déportations environ), puis le coup d'état du 2 Décembre 1851 de Napoléon III. Il existait deux tendances de républicains contre républicains.
Par sa correspondance on découvre également la maladie dépressive de Flaubert : ses œuvres de jeunesse ne sont que de lugubres descriptions. L'auteur, dans ce livre fait son entrée dans l'Histoire mais de façon impersonnelle ; il s'agit d'une critique exaltée du Monde moderne qui commence le 29 Juillet 1830 avec « les Trois glorieuses ». Le Capitalisme, les Affaires, traumatisent cette génération. Le Romantisme est un cri de désespoir et une fuite éperdue vers les hypostases de la Nature, de la passion amoureuse, de la Révolution avec l'amour du peuple (ex.Gavroche en Juin 1832 sur les barricades), de la passion de l'Orient ou de l'Antiquité, de l'amour de la Poésie, de l'Art, de la Littérature. A ces hypostases j'ai rajouté personnellement l'amitié, mais l'on constate qu'il n'y a ici aucune amitié vraie. C'est aussi une recherche d'investissement remplie de beauté éthique, tournée vers la Religion. (hypostase : en philosophie chez Plotin substance considérée comme divine, pour Kant entité abstraite déduite à tort de la réalité objective ).
Dans « l'Education sentimentale » Flaubert renonce à tous les rêves précédents. Ne reste que l'amour de l'Art porté très haut avec Stendhal, l'Art devient une anti -société, une anti- vie : « après le malheur de naître, je ne connais pas de plus grand malheur que d'enfanter ».
A l'inverse de Stendhal qui décrit « la cristallisation », c'est à dire l'immense engagement de l'amour par l'imagination, Flaubert procède par la « décristallisation » au désamour : la femme aimée ne résiste pas à l'épreuve du Temps. Procédé inverse car si les héros de Stendhal meurent vers 5O ans, les héros de Flaubert tombent amoureux mais s'enfuient ou se séparent, comme chez Gérard de Nerval dans «A ngélique».
En quoi consiste cet art «déconstructeur» ? « C'est un livre qui ne tient sur rien d'autre que le style ».
Le réalisme de Flaubert est un courant contraire au réalisme (néologisme qui apparaît vers 1850-1855). Flaubert déteste la Réalité, la précision, l'exactitude malgré qu'il soit très fidèle aux documents historiques de la Révolution de 1848.
Frédéric Moreau est atteint de bovarysme. Flaubert avait écrit Salammbô qui est bâti sur le rêve. Le désespoir flaubertien est construit sur une certaine réalité qui est ignoble mais le rêve est stupide donc toujours distance ironique avec pour exemple la description des toiles au Louvre
La foule qui envahit les Tuileries le 23 Février 1848 et procède à sa mise à sac veut s'amuser. L'action sera suivie par un bain de sang en Juin 1848 ).
Notre auteur emploie un style indirect libre sans avertir par les deux points de ponctuation. Il feint d'épouser l'opinion de la foule pour mieux faire adhérer le lecteur ; il reproduit les idées comme si c'étaient les siennes, donc piège selon Bruno Viard. Survient ensuite une ellipse de 1840 au 2 Décembre 1851, jour du coup d'état et il saute ensuite seize autres années jusqu'en 1867.
Une participante fait remarquer que cette « lucidité amère, cette critique des passions lui évoque les Moralistes et La Rochefoucauld, ». Mr Viard ajoute « un pessimisme semblable envers le christianisme, un même dualisme, le dieu de la littérature occupe une place antithétique ».
Flaubert nous montre les « quarante-huitards » comme des « jobards » à travers le « Club de l'Intelligence ». Il atteint également par ses piques, ses réflexions cyniques les bourgeois parisiens.
Les droits positifs acquis en Juin 1848 sont la devise « Liberté-Egalité-Fraternité », le suffrage universel, l'abolition de la peine de mort pour les politiques et l'abolition de la peine de mort par Schoelcher,( 27 Avril 1848). N'existait auparavant aucune association mais au printemps 48 fleurissent associations, mutuelles d'aides, caisses d'assurances.
L'idée de Nation est-elle une hypostase ? Les soldats de Jemmapes, de Valmy défendaient l'idée de Nation, étaient fidèles à l'idéal républicain, sans exaltation romantique, 1848 va au-delà des « ronflements ».

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