"La femme de sable" d'Abe KOBO le 5 juin 2006



Un professeur parti à la découverte de quelque insecte des sables échoue dans un petit village du fond des dunes - village dont il ne pourra plus sortir. Comme les autres habitants, le voilà prisonnier du sable : le sable qui envahit tout, qui s'infiltre dans la moindre fissure et qu'il faut sans répit rejeter. Particulièrement dans le trou où est tapie la maisonnette qu'il habite en compagnie d'une femme fruste, vraie maîtresse-servante. Jour après jour, mois après mois, l'homme et la femme rejettent le sable. Cet esclavage est la condition même de leur survie. Lassé de cette routine, l'homme tentera de s'échapper, de retrouver sa liberté... Roman insolite d'une extraordinaire richesse, dur et angoissant, qui, sous l'exactitude et la précision des détails d'une fiction réaliste, retrouve la dimension des mythes éternels. Il ne s'agit de rien d'autre que de la condition humaine avec ses limites désespérantes, ses illusions et ses espoirs.
Le piège de sable (image tirée du film "La femme des sables")
BILLET A CLAUDINE par Michel BOUDIN
LA FEMME DES SABLES de Abe KOBO
Surtout jolie cousine, n'ouvre pas ce livre!
Un vent de sable t'emporterait aux confins des pires délires de la littérature.
Imagine un grand trou de sable et au fond une maison, un homme et une femme. Les habitants d'un improbable village, là-haut sur le plateau, dirigent sournoisement les manoeuvres de désensablement.
Car il faut, pour survivre en ce trou, lutter contre le sable.
Comme il faut dans la vie, Claudine, lutter contre l'adversité.
En même temps que l'ensablement méthodique des êtres et des choses s'effectue l'ensablement symbolique du lecteur. Pas un grain de sable, dans son action têtue, qui n'évoque au choix la lutte des consciences contre la rugosité du monde ou les malheurs du Pour-Soi se cognant la tête contre l'En-Soi ou le grand rouleau compresseur de l'entropie triomphante. (Tout retourne au sable, belle cousine, et il y a longtemps que l'on sait que nous retournerons en poussière.)
Alors quoi? S'asseoir et laisser monter le sable?
Peut-être pas. Car au fond du trou, Claudine,
il ya une femme
il y a un homme
il y a même un peu d'eau
et une échelle de corde...
Finalement, curieuse Claudine, tu peux ouvrire de livre d'Abe KOBO. Il te fera rêver comme il a fait rêver ton cousin:
FLORENTIN
Ce qu'en a pensé Annie ROUZOUL
Le Vieux captura l'Homme et l'offrit à la femme.
C'était son plus cher désir. Sans cesser ses tâches domestiques elle allait savoir enfin à qui se vouer. L'Hôte était de marque: enseignant de métier, entomologiste à ses heures perdues.
Captif, il n'eut de cesse de tenter l'évasion. Peine perdue.
Alors elle se mit à enfiler des perles pour passer le temps et gagner de quoi acheter une radio et un miroir.
L'histoire ne dit pas si elle y réussit.
Et les sables dans tout çà?
et Andrée HAGEGE
L'homme s'étiolait gentiment auprès de ses collègues et de la femme, (l'autre). Alors il partit seul vers la mer à la recherche d'un insecte improbable.
Manque de bol, la mer est restée lointaine et lui il est tombé dans le sable dans un trou profond d'où il ne pouvait pas sortir, où personne ne songeait à l'aider et où personne ne répondait à ses questions, même pas la femme (la vraie), la silencieuse, compagne de captivité, qui lui a toutefois appris une chose : le sable recèle tellement d'eau que tout s'abîme, les poutres même pourrissent. « De l'eau dans ce sable, sous ce soleil brûlant ? Non mais…pourquoi pas des glaçons dans le four ? »….. L'homme était un scientifique….
Et il voulait toujours sortir, il a essayé souvent ; il voulait tellement sortir qu'une fois il faillit mourir atrocement dans une évasion ratée même qu'il a supplié qu'on le ramène dans sa geôle.
Et puis un jour, il a trouvé au fond d'un trou qu'il avait fait dans le sable, quoi ? Une réserve d'eau. La femme avait donc raison ? Il y avait de l'eau dans ce sable insaisissable, étouffant, instable, traître ? L'étudier, le vendre, pourquoi pas, mais lui demander de l'eau !….. Et pourtant l'eau était là et si on l'empêchait de s'évaporer, le récipient se remplissait et on ne dépendait plus de personne pour avoir de l'eau, pour avoir la vie, et il a ri très fort.
Exit la mer, l'insecte improbable. Exit les administratifs qui lui apportait sa ration quotidienne d'eau ; il pouvait, il savait recueillir l'eau que contenait le sable. Exit l'absence d'échelle qui le tenait captif ; d'ailleurs une échelle était revenue par miracle dès le départ de la femme ; la femme, la vraie, qui avait joué son rôle et qui disparaissait en le laissant libre.
Andrée HAGEGE
Les réflexions de Daniel BOUCHARA
Qui peut parmi nous s'identifier immédiatetement à la femme ? Nous acquiesçons sans trop s'y arrêter au raisonnement de l'homme, il est rationnel, il observe celui qui dans ses pesées du pour et du contre et le probable opère en scientifique. Son espoir dans tous ses buts est dans le rationnel de la science. Ainsi pour ses relations avec la femme, il procède d'un calcul d'homme d'une civilisation avancée. où la sophistication des détours des sujets est de mise. Mais la femme pas tant déjoue ses calculs que les dépasse en les ignorant. Ignorance premiere mais pas sans un savoir bien bien lié sur ce qui vaut au fond .Au fond du puits seuls comptent l'obstination et le labeur, contre lequel lequel homme n'a pas de prise Aucune manœuvre ne peut circonvenir aux éléments : le soleil, le vent, le sable bien sûr et aussi la femme et les villageois. Aussi implacables que le sable. que le temps qui nous imprègne partout et toujours. le jour, la nuit dans les rêves et dans le sommeil
Certes les calculs pour monter un échafaudage sont sophistiqués et sont dans des lieux autres, nécessaires. Une fois le bâtiment en terre et les coutumes et nécessités de la vie quotidienne établies, l'échafaudage est oublié, inexistant. La bâtisse et ses pierres font partie de la terre. Quand l'habitation est un puits, le puits fait partie fondatrice de l'existence sans déchet ni calcul.
Obstination et labeur sont le socle et la charrue qui mènent à toute l'expérience humaine ; dans ce lieu désertique. L' amour, l' honneur, l'ironie et le rire existent mais n'engendrent rien d'autre que la prise nue sur la vie et la mort. Dans ce dépouillement presque rien. S'il y a des bidons d'essence et des journaux, rêves de miroir et de poste de radio ceci est accepté comme un dû, du fait de vivre dans une civilisation qu'ils n'ignorent pas mais qu'ils délaissent, tirant leur cohésion de leur isolement.
Daniel BOUCHARA

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