"Rhapsodie cubaine" d'Eduardo MANET le 16 mai 2005


Grand jour aujourd'hui pour Direlire, nous recevons Eduardo Manet, écrivain cubain et français. Eduardo Gonzalez-Manet écrit pour le cinéma et la télévision ainsi que de nombreuses pièces de théâtre dont Viva Verdi que nous aimerions bien voir présentée à Marseille, au théâtre des Bernardines par exemple. Il a sans cesse un roman en train, en ce moment c'est " La Nonne Lieutenant ", inspirée d'un personnage réel du 19ème siècle mais raconté par un neveu imaginaire qui permet de ne pas s'enfermer dans la réalité et l'Histoire: l'imaginaire est absolument nécessaire.

Il est né à Cuba en d'une mère andalouse et d'un père diplomate.

Première question d'une lectrice : dans votre œuvre (en particulier, Maestro et la Rhapsodie cubaine), la relation ou plutôt la manque de relation entre père et enfants est souvent évoquée.

J'ai passé mon enfance à San Teodoro avec ma mère, alors que mon père était très peu présent . Ce père plutôt volage avait des enfants " dans chaque ville cubaine ". Il essaya de se rapprocher de moi dans sa vieillesse mais c'était trop tard.

Pourquoi écrivez-vous en français ?

Parce que c'est la langue de l'amour.

Pourquoi vos livres en français ne sont-ils pas traduits en Espagne et en Amérique latine ?

C'est en effet une sorte de douleur pour moi que mes livres ne soient pas édités en Espagne. Il faut savoir que les éditeurs espagnols qui ont racheté pratiquement toutes les maisons d'édition d'Amérique latine traduisent très peu d'œuvres françaises. L'une des raisons en est la mauvaise image de la France en Espagne qui n'a pas oublié l'invasion napoléonienne et ses horreurs, même deux cents après.

Carlos Somoza, espagnol vivant en France, nous raconte que voyageant en Espagne avec sa voiture immatriculée en France, il s'est fait traiter dans certains villages espagnols de " gabacho " (aussi péjoratif que bougnoule en français) par des gens qui le prenaient pour un Français ignorant leur langue. Le mot " francesado " en espagnol est d'ailleurs équivalent au mot " collaborateur " en français, avec le sens ce mot avait pendant l'occupation allemande.

Mes années Cuba sont-ils une autobiographie ?

Non, c'est un récit et non une autobiographie, mais les autobiographies ou les mémoires étant à la mode, je finirai bien par écrire les miennes qui pourraient s'appeler par exemple " La vie sexuelle d'Eduardo M. ". Je regarde beaucoup la télévision pour apprendre à naviguer dans le flot d'informations qui nous submerge. Mes personnages sont souvent considérés par leurs proches ou de leurs partisans comme des héros alors qu'ils ne voudraient pas l'être car ils se sentent pétris de contradictions, ce qui à la longue finit par les dévaloriser aux yeux des autres. D'ailleurs il faut savoir que beaucoup d'exilés cubains sont aujourd'hui partagés, ni castristes ni pro-américains.

Monique Bécour parle d' "Habanera " et de deux des personnages, le maffieux et le comte italien.

Je suis heureux que l'on connaisse ce livre, publié chez Flammarion, que j'estime mal diffusé en France. Ces personnages sont, eux aussi, inspirés de personnes réelles.

Vous semblez avoir une grande passion pour la musique.

Mon père jouait de la guitare après avoir été l'élève de Segovia. J'estime être le "veuf " de trois chanteuses : Catherine Ferrier, Billie Holliday et Dalida. Rhapsodie en grec signifie " ajuster en cousant " ; il s'agit d'une composition en forme libre de morceaux choisis d'airs populaires.

Monique Bécour tente de demander à Manet quelle est sa position par rapport à la situation actuelle à Cuba.

Elle est vivement interrompue par la présidente qui craint un dérapage vers une polémique sortant du cadre littéraire de notre rencontre. Elle a heureusement tort et Eduardo Manet s 'en explique fort bien.

" Eh bien ! votre présidente est un peu comme Fidel Castro !

Un autre lecteur, Carlos Somoza, qui connaît bien Cuba, demande si le tourisme de masse, dont un million d'américains cette année, qui déferle sur Cuba, est un élément destructeur de l'identité cubaine.

Nous ne pouvons empêcher l'humanité d'aimer le soleil et la mer ; mais il faut ouvrir les yeux, si cela est possible, de ceux qui vont bronzer à Cuba . D'autre part, l'embargo est néfaste car il pénalise le peuple cubain et non ses dirigeants. Les étrangers peuvent acheter des propriétés à Cuba, comme Jérome Savary pour sa famille pro-castriste, et ils ne sont pas gênés par l'embargo.

Notre rencontre s'est conclue par le souhait d'Eduardo Manet, séduit par Marseille, et paraphrasant le général Mac Arthur fuyant devant les Japonais à Bataan : " Je reviendrai ".

C'est une universitaire américaine, Mrs Zadling, de l'université Rodgers, qui a écrit, il y a 10 ans, la première étude sur l'œuvre d'Eduardo Manet. Nous aimerions bien la faire venir à Direlire, peut-être par l'intermédiaire de la Fondation Camargo de Cassis.

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