"Ay, Paloma" de Rosetta LOY le 11 novembre 2007



Le 11 Novembre, nous rencontrions cette auteure italienne et je l’ai liée à Nathalie Sarraute car, il s’agit d’un roman autobiographique, (paru en 2000) décrivant la préadolescente, de 12 ans Rosetta Loy. Elle est née à Rome en 1931.Après des études de journalisme, elle devient tradutrice : « La Princesse de Clèves », de Mme de La Fayette, puis d’Elizabeth Badinter (livre sur l’amour maternel), puis d’Eugène Fromentin : « Dominique », qui lui a permis dit-elle « de comprendre les mécanisme de l’écriture, et de réécrire son premier ouvrage « La Bicyclette ».
Le titre « Ay Paloma » est celui d’une chanson italienne, élément musical conducteur dans le roman. Le disque passe, repasse dans le groupe de jeunes gens qui se réunit, le soir dans un petit local. Parmi eux, Ettore, jeune juif, réfugié seul, qui attend quelque argent de ses parents pour se sauver en Suisse. Que deviendra-t-il ? lisez le livre ! Nous sommes en été 1943, (sous l’occupation allemande et la guerre civile entre Italiens), au Val d’Aoste, dans un petit village de villégiature où se sont réfugiées plusieurs familles bourgeoises italiennes, et où ces jeunes jouent au tennis jusqu’au 13 Septembre 1943, jour de l’écroulement du régime fasciste.
Le narrateur (la petite fille) n’est pas omniscient , car elle ne comprend pas les autres et l’avoue. Nous sommes encore dans un langage de signes, de sensations de l’enfant au travers de prismes déformants. L’adolescence est bridée en Italie comme en France à cette époque. Le regard de Rosetta porté sur les jeunes gens du groupe est celui du cœur mais c’est aussi celui de la vraie narratrice sur la petite fille qu’elle fût comme chez Nathalie Sarraute. Donc interaction inconfortable entre les mondes de l’enfance et de l’adulte.
Mme Rosetta Loy a beaucoup insisté sur le témoignage qu’elle a voulu porter sur « les lois d’exception » mesures pour supprimer les juifs italiens, ainsi que dans un autre ouvrage « Madame Della Setta aussi est juive ». Elle croyait dans sa jeunesse que « l’Eglise protégeait les Juifs en Italie et a découvert par ses diverses recherches aux archives de son pays sur l’histoire de la persécution juive en Italie », «que le Vatican cachait la réalité et que les juifs avaient été persécutés » : « 1200 juifs de Rome arrêtés à la gare et déportés, après une rafle dans le ghetto proche du Vatican. « Pie XII, averti (par un juif échappé du ghetto proche), a eu peur, il n’a rien fait » insiste-t-elle à plusieurs reprises, avec force.
Une polémique s’est alors élevée dans notre réunion : une personne éminente, universitaire, a avancé l’idée que Pie XI, avait élaboré une encyclique pour protéger les juifs (date non communiquée) lorsque Pacelli (futur Pie XII) était son secrétaire, que Castel Gondolfo abritait des Juifs, qu’un rabbin (« marron » ou « marrane ») s’était fait baptiser et avait donné une très belle maison au Saint-Siège !…(No comment de ma part !). Il fût dit que « les couvents pouvaient ouvrir leurs portes », mais non « devaient ouvrir leurs portes ». Des participants se sont élevés pour protester devant ces affirmations présentant le Vatican lieu d’accueil et protecteur des Juifs. Je me suis reportée sur les sites de recherche Internet. La controverse existe, mais le doute posé « a maillé la mémoire » ( René Char in « Le requin et la mouette de Feuillet d’Ypnos»).. Il faut se faire son jugement personnel et ne pas oublier les témoignages de Simone Weill ou récemment de Badinter pour le devoir de mémoire. Mme Rosette Loy s’est très noblement exprimée et a insisté, dignement, et « sans aucune culpabilité », ainsi qu’il me fût dit, (dans une autre réunion), une nouvelle fois, sur la démission totale du Saint Siège jusqu’en 1945 où là, effectivement furent accueillis des juifs.
L’assemblée réussit à revenir au débat sur l’écriture et au rôle de la mémoire. Comme James Joyce, comme Proust que Rosetta Loy aime, (ainsi que Nathalie Sarraute), elle parle «de petites choses pour raconter l’Univers ». Pour la composition, nous passons de ces petits faits divers, petites allusions amusantes, à des faits dramatiques, donc multiplicité d’atmosphères qui s’enchaînent. Après avoir décrit (p.33) la petite fille tuée par la chute d’une pierre du plafond de l’abri lui explosant le cœur, elle se souvient (p.34) et le dit, oralement de ces « forteresses volantes qui apportaient une étrange sensation de paix en allant bombarder Milan ou Turin ». Sa parole fait se réveiller, (j’avais involontairement ou volontairement occulté le passage écrit), mes sensations de petite fille, autres que celles de l’écrivain, car de retour vers l’Angleterre, une de ces forteresses volantes effrayantes, touchée, le 3 Août 1944, lâchait un chapelet de bombes sur Lille et provoquait le drame chez cette autre petite fille (9 ans) et le deuil sur les familles de six joueuses et le moniteur d’une équipe de basket ball. Qu’il ne me soit plus dit que c’est différent comme il me le fût dit: c’est tout à fait le but et la motivation de l’écrivain (Nathalie Sarraute comme Rosetta Loy) que de faire se réveiller par la contestation d’une sensation de paix idyllique, l’inconscient et/ou la souffrance chez ses lecteurs car l’écrivain est porteur d’état que l’on retrouve en soi-même.(cf. phrase soulignée dans le texte concernant N. Sarraute). Je crois que l’application est convaincante et permet à tous la meilleure compréhension de Nathalie Sarraute.
Rosetta Loy, parlant des années 5O à 6O a conclu sur « les motivations qui étaient alors très fortes pour reconstruire la démocratie en Italie, mais qu’aujourd’hui, l’égoïsme, seul, domine ainsi qu’on peut le voir sur les marchés de Rome ». Elle se sent à présent optimiste, « dans les terribles épreuves de sa foi, Rosetta n’a jamais perdu le désir de vivre en touchant notre sensibilité et notre conscience ». Pari réussi suivant la conception même du « Nouveau Roman ».